SYNTHÈSE : Vous ferez une synthèse objective et ordonnée de ces documents ayant pour thème la mise en commun de l’information. (40 points)
ECRITURE PERSONNELLE : Discutez à votre convenance l’affirmation de Bernard Poulet : « Chaque individu devenu internaute peut exprimer son droit à la parole. »
(20 points)
DOC UN :
PRESSE (Droit polit.). On demande si la liberté de la presse est avantageuse ou préjudiciable à un état. La réponse n'est pas difficile. Il est de la plus grande importance de conserver cet usage dans tous les états fondés sur la liberté : je dis plus, les inconvénients de cette liberté sont si peu considérables vis-à-vis de ses avantages, que ce devrait être le droit commun de l'univers, et qu'il est à propos de l'autoriser dans tous les gouvernements.
Nous ne devons point appréhender de la liberté de la presse, les fâcheuses conséquences qui suivaient les discours des harangues d'Athènes et des tribuns de Rome. Un homme dans son cabinet lit un livre ou une satire tout seul et très froidement. Il n'est pas à craindre qu'il contracte les passions et l'enthousiasme d'autrui, ni qu'il soit entraîné hors de lui par la véhémence d'une déclamation. Quand même il y prendrait une disposition à la révolte, il n'a jamais sous la main d'occasion de faire éclater ses sentiments. La liberté de la presse ne peut donc, quelque abus qu'on en fasse, exciter des tumultes populaires. Quant aux murmures, et aux secrets mécontentements qu'elle peut faire naître, n'est-il pas avantageux que, n'éclatant qu'en paroles, elle avertisse à temps les magistrats d'y remédier ? Il faut convenir que partout le public a une très grande disposition à croire ce qui lui est rapporté au désavantage de ceux qui le gouvernent ; mais cette disposition est la même dans les pays de liberté et dans ceux de servitude. Un avis à l'oreille peut courir aussi vite, et produire d'aussi grands effets qu'une brochure. Cet avis même peut être également pernicieux dans les pays où les gens ne sont pas accoutumés à penser tout haut, et à discerner le vrai du faux, et cependant on ne doit pas s'embarrasser de pareils discours.
Nous ne devons point appréhender de la liberté de la presse, les fâcheuses conséquences qui suivaient les discours des harangues d'Athènes et des tribuns de Rome. Un homme dans son cabinet lit un livre ou une satire tout seul et très froidement. Il n'est pas à craindre qu'il contracte les passions et l'enthousiasme d'autrui, ni qu'il soit entraîné hors de lui par la véhémence d'une déclamation. Quand même il y prendrait une disposition à la révolte, il n'a jamais sous la main d'occasion de faire éclater ses sentiments. La liberté de la presse ne peut donc, quelque abus qu'on en fasse, exciter des tumultes populaires. Quant aux murmures, et aux secrets mécontentements qu'elle peut faire naître, n'est-il pas avantageux que, n'éclatant qu'en paroles, elle avertisse à temps les magistrats d'y remédier ? Il faut convenir que partout le public a une très grande disposition à croire ce qui lui est rapporté au désavantage de ceux qui le gouvernent ; mais cette disposition est la même dans les pays de liberté et dans ceux de servitude. Un avis à l'oreille peut courir aussi vite, et produire d'aussi grands effets qu'une brochure. Cet avis même peut être également pernicieux dans les pays où les gens ne sont pas accoutumés à penser tout haut, et à discerner le vrai du faux, et cependant on ne doit pas s'embarrasser de pareils discours.
Enfin, rien ne peut tant multiplier les séditions et les libelles dans un pays où le gouvernement subsiste dans un état d'indépendance, que de défendre cette impression non autorisée, ou de donner à quelqu'un des pouvoirs illimités de punir tout ce qui lui déplaît ; de telles concessions de pouvoir dans un pays libre, deviendraient un attentat contre la liberté ; de sorte qu'on peut assurer que cette liberté serait perdue dans la Grande-Bretagne, par exemple, au moment que les tentatives de la gêne de la presse réussiraient ; aussi n'a-t-on garde d'établir cette espèce d'inquisition.
Louis de Jaucourt - L'Encyclopédie (1751-1772), « article presse »
DOC DEUX
L'information est une maladie moderne, qui provient évidemment de la rapidité des moyens de transmission. On sait que les agences de presse du monde se battent pour transmettre une nouvelle trente ou quarante secondes avant leurs concurrentes. On juge d'un bon ou d'un mauvais correspondant sur des différences d'une minute. Dans le fait (c'est-à-dire si l'on considère l'organisation du monde actuel, sa presse, les prétendus besoins d'information du public), un tel esprit de compétition se conçoit. En valeur absolue, cela paraît d'une absurdité complète : c'est le jeu de cache-tampon, il faut trouver le premier.
Rien de moins naturel que la curiosité, que l'on a inoculée aux hommes, de savoir le plus vite possible ce qu'il advient sur les divers points du globe; les informations, si détaillées qu'elles soient, et si honnêtes, deviennent abstraites dès qu'elles regardent un pays quelque peu éloigné. Une révolution au Paraguay, pour le lecteur de Paris ou de Toulouse, n'a pas plus de réalité que l'intrigue de Bajazet. Racine prétend à juste titre que « l'éloignement des pays répare la trop grande proximité des temps », et que « le peuple ne met guère de différence entre ce qui est à mille ans de lui et ce qui en est à mille lieues ». L'information, telle qu'elle se pratique aujourd'hui, comporte quelque chose d'abstrait et d'inactuel qui est exactement le contraire de ce qu'elle veut signifier. Les événements tragiques ou heureux du monde, les crimes, les larmes, les massacres, les sauvetages, les mariages princiers, les pêches miraculeuses, les prouesses de la médecine, les dévouements surhumains, les héroïsmes désespérés, les cris ou les sourires des peuples, en passant par les télétypes des agences, semblent se vider de leur substance. De ces bonheurs, de ces souffrances, de ces vacarmes, de cette chair, il ne parvient qu'un récit sec et sans couleur, qui ne parle à aucune imagination, et apprend moins que le plus médiocre roman. Les journalistes mettent leur honneur à être vrais. Mais la vérité laisse son âme au bureau du télégraphe.
La célèbre phrase : « Le public a le droit de savoir », n'est, bien entendu, qu'un slogan publicitaire forgé pour légitimer le journalisme. Quant aux boniments selon lesquels il faut «penser le monde » et ainsi de suite, ils ne signifient rien. Pendant dix mille ans, le public s'est moqué parfaitement de penser le monde. Le seul résultat tangible, c'est que jamais autant qu'à notre époque surpeuplée et surinformée, où le moindre fait divers en Mandchourie, le moindre calembour du dernier Canaque de Nouvelle-Calédonie est porté dans les deux heures à la connaissance du public international, on n'a assisté à la consécration de tant de bêtises.
On voit le but de l'information : servir la politique des gouvernements, c'est-à-dire modeler l'opinion publique, dans l'infaillibilité de laquelle on feint de croire, tout en sachant qu'elle n'est ni raisonnable, ni morale, ni juste.
On voit le but de l'information : servir la politique des gouvernements, c'est-à-dire modeler l'opinion publique, dans l'infaillibilité de laquelle on feint de croire, tout en sachant qu'elle n'est ni raisonnable, ni morale, ni juste.
Jean Dutourd, Le Fond et la Forme (1958).
DOC TROIS
Pisani et Piotet affirment ainsi : « Notre hypothèse est que, depuis 2004, le Web a donné lieu à l’émergence d’une nouvelle dynamique relationnelle, dans laquelle les vieilles appartenances se dissolvent, les hiérarchies disparaissent pour un fonctionnement en réseau où le plus important est désormais le nombre de connexions, de liens qu’on établit. »
A propos des medias, ils ajoutent qu’aux « journaux traditionnels, mécaniques institutionnelles bien rodées dans lesquelles les réactions des lecteurs très souvent cantonnées à une petite rubrique courrier des lecteurs », s’opposent désormais « des millions de blogueurs passionnés, sans modèles de revenus, qui scrutent, analysent et partagent en temps réel sans se soucier d’aucun contrôle organisationnel ni d’aucune mécanique ». Parlant d’un vrai « mouvement participatif », ils citent Albert-Laszlo Barabasi, une figure de proue de la toute jeune science des réseaux, auteur du livre Linked (« Reliés »), selon qui « nous avons une société parce que les gens choisissent d’interagir ». La technologie, ajoutent-ils, « ne suffit pas à expliquer le succès du Web d’aujourd’hui. Il correspond à une dynamique sociale préexistante à laquelle il permet de mieux s’exprimer. Il nous aide à mieux résoudre les problèmes qui la caractérisent. ».
Il est clair que, pour ces auteurs, cette « nouvelle dynamique relationnelle » préfigure une forme de démocratie supérieure, le rêve ultime d’un « capitalisme communiste » où non seulement chacun disposera des choses selon ses besoins, mais chaque citoyen pourra faire entendre sa voix aussi fort que tous les autres. Chaque individu devenu internaute peut exprimer son droit à la parole. Les maîtres anciens, experts, journalistes, professionnels, savants, auteurs et surtout politiques, sont ramenés à la condition ordinaire de leurs semblables, dans un monde où tous les internautes sont égaux. Pisani et Piotet parlent de l’émergence d’un « individualisme réticulaire », en réseau. Ni Dieu, ni maître, ni expert. La culture n’est plus un acquis, le produit d’une histoire, mais une perpétuelle reformulation par des sujets aptes à se réinventer et à tout réinventer.
Bernard Poulet, La fin des journaux, Gallimard, 2009
DOC 4
Norman Rockwell, "the gossips", Saturday evening post cover, March 6 1948