samedi 19 février 2011

Générations (1)

Le sujet 2010


PREMIÈRE PARTIE : SYNTHESE (40 points).

Vous rédigerez une synthèse concise, objective et ordonnée des documents suivants :
Document 1 : Wajdi Mouawad, Ciels (2009)
Document 2 : Bernard Préel, Générations : la drôle de guerre in « De génération à génération » (Informations sociales n° 134, juin 2006.)
Document 3 : Etienne Gruillot, Petites chroniques de la vie comme elle va (2002).
Document 4 : Dessin de Plantu, Le Monde (12 novembre 1999). 


DEUXIEME PARTIE : ECRITURE PERSONNELLE (20 points).
Préserver entre les générations une culture commune vous semble-t-il important ?Vous répondrez à cette question d'une façon argumentée en vous appuyant sur les documents du corpus, vos lectures de l'année et vos connaissances personnelles.

DOCUMENT 1.
  [Dans la pièce de théâtre Ciels, le père Charlie Eliot Johns communique à distance avec son fils resté au Québec. L'adolescent doit effectuer un travail — à partir d'œuvres d'art — dont le thème est la beauté.]

CHARLIE ELIOT JOHNS. Bon. O.K. Ecoute ! Je n'ai pas envie de te parler de l'école, je ne veux même pas te parler de la nécessité de faire le devoir, O.K. ? Fais comme tu veux. Mais il y a peut-être une autre manière de voir la chose. Ecoute-moi : on te donne l'opportunité d'aller dans un musée pour regarder des œuvres d'art. Ne vois pas ça comme une obligation, O.K. ? Mais comme une occasion. Essaye de faire cet effort. Pas pour le devoir, non, tu as raison, le devoir n'a aucune importance, mais pour toi ! Il faut bien que tu te fasses une idée sur l'art et la beauté ! Comment tu veux grandir sinon ? Comment tu veux faire pour savoir qui tu es et d'où tu viens si tu ne t'intéresses pas à ce qui a existé avant toi ? Tu vas voir des couleurs qui nous viennent du Moyen Age : un jaune, un rouge ! Tu vas être devant des bleus qui ont été posés sur la toile avant la fondation de Québec et qui ont gardé le même éclat ! Tu verras des verts qui étaient là bien longtemps avant ta naissance et qui vont continuer à être là bien longtemps après ta mort ! C'est une chance ! Ne passe pas à côté ! Ça te fera voyager, Victor, et peut-être ressentir des sensations nouvelles ! Tu n'es pas obligé d'y rester huit heures ! Tu fais le tour, tu vas boire un café puis tu retournes voir les tableaux qui te sont restés en tête ! C'est tout ! Quand je reviendrai, on y retournera et on les regardera ensemble ! Qu'est-ce que tu en penses ?
VICTOR ELIOT JOHNS. O. K.
CHARLIE ELIOT JOHNS. Le pire qui puisse arriver, c'est que tu t'ennuies, c'est tout.
VICTOR ELIOT JOHNS. O. K. !
CHARLIE ELIOT JOHNS. Bon. Et ce que je te propose, c'est que ce devoir, on le fasse ensemble ; le diaporama, on le construit ensemble, on fait le montage des images ensemble, on discute ensemble sur la beauté, je t'aide à clarifier tes idées !
VICTOR ELIOT JOHNS. Comment ça ?
CHARLIE ELIOT JOHNS. Tu vas au musée, tu prends les photos des œuvres qui te plaisent, tu me les envoies par mail, on les regarde ensemble, je te propose un montage, je te pose des questions, on se fait des séances de travail et tout ça...
VICTOR ELIOT JOHNS. Ah O.K.
CHARLIE ELIOT JOHNS. Ça te plaît ? Moi, je t'avoue, ça me ferait extrêmement plaisir ! C'est vrai, on ne fait jamais rien ensemble...
VICTOR ELIOT JOHNS. O. K. Je vais le faire !
CHARLIE ELIOT JOHNS. Bon ! Ce qui serait vraiment bien, c'est que l'on puisse avoir les photos le plus rapidement possible, pour qu'on puisse avoir du temps... qu'est-ce que tu en penses ?
VICTOR ELIOT JOHNS. Oui, oui, je te... je vais y aller !
CHARLIE ELIOT JOHNS. Et ne prends que les œuvres qui t'auront réellement plu ! C'est ton regard, ta manière de voir qui comptent. Tu me le promets ?
VICTOR ELIOT JOHNS. Oui, oui, je te... je te le promets !

Wajdi Mouawad, Ciels (2009).


 
Vieux et jeunes
 Le cycle de la vie ne s’arrête pas de tourner. Le simple jeu du renouvellement des générations fait qu’on ne peut baisser la garde. On n’en a jamais fini avec la transmission du code culturel. Il faut le reprogrammer en permanence. Mais surtout, il faut programmer les nouveaux arrivants. C’est affaire de patience et donc de réussite. Pas sûr que les bleus1 adhèrent aux valeurs qu’on s’évertue à leur inculquer. Leurs pères auront beau leur dire que leur expérience leur a appris à ne pas retomber dans les mêmes errements, ils voudront le vérifier par eux-mêmes. Ils auront l’insolence de n’accepter l’héritage que sous bénéfice d’inventaire2. La rupture sera consommée avec le désir de fonder une contre-culture qui ne tardera pas à devenir, avec le temps, la culture de référence. L’histoire est toujours « à suivre », ouverte sur l’inconnu et le surprenant : « Le progrès est loin d’avoir toujours suivi une ligne droite ; l’histoire a connu des générations ayant, par un mouvement rétrograde, renoncé aux conquêtes des générations antérieures », comme l’énonce S. Freud.
  Quelles sont les raisons qui conduisent les jeunes générations à ne pas suivre le chemin tracé par leurs prédécesseurs ?
– La rapidité des changements est telle que les vingt-cinq à trente-cinq années séparant parents et enfants creusent un fossé entre eux. Ils vivent sur des planètes différentes. Les parents ne sont plus dans le coup : ils sont obsolètes. Les jeunes n’ont rien à apprendre d’eux ; les fils ne prennent plus guère la suite de leurs pères, et si jamais ils le font, ils auront une pratique bien différente de celle de leurs géniteurs. L’influence des aînés est rejetée au profit de ses propres expériences faites avec ses comparses : les pairs remplacent les pères. Aussi les nouvelles générations n’auront plus de raison de se rebeller puisqu’elles se seront forgées (sic) elles-mêmes leurs valeurs. Et ce d’autant plus que leurs parents auront eu la prudence de ne leur transmettre que le principe d’autodétermination et non pas un contenu dont ils savaient qu’il serait bien précaire. Le grand écart ne cesse de se creuser. Les vieux sont de plus en plus débranchés, vivent dans leurs souvenirs et lisent des livres d’histoire ; les jeunes sont impatients de grandir, s’impatientent et plongent dans la science-fiction ! Ils ont retenu le discours des experts leur annonçant qu’ils devaient se préparer à faire trois métiers différents au cours de leur vie professionnelle – c’est le tempo qui change, finissant par briser les engagements à vie (travail, mariage…). S’imposent alors des séquences de vie, et ce qui ne tient même plus la distance d’une vie, comment imaginer le transmettre à la génération suivante ? Comment imaginer que l’on fera toute sa carrière, une bonne quarantaine d’années, dans la même entreprise ? Comment imaginer que l’on demeurera fidèle à son compagnon de route, alors que l’espérance de vie ne devrait pas rendre exceptionnelle la célébration des noces de chêne (quatre-vingts ans de vie commune) ?
– La volonté de suivre son propre chemin et de se faire sa religion, notamment au milieu de ses pairs ; les jeunes ayant l’orgueil de croire qu’ils peuvent tout inventer autrement. « Les fils répètent les crimes de leurs pères précisément parce qu’ils se croient moralement supérieurs », dit René Girard3. Les nouvelles générations corrigeront quelque peu le tir pour éviter l’implosion et feront d’ « ensemble » et de « concrètement » leurs mots de référence.
– Le doute qui s’empare des parents se jugeant inaptes à transmettre quoi que ce soit. Ce fut particulièrement le cas de la génération krach, qui a eu 20 ans au milieu des années trente. Les enfants de Verdun ont connu la débâcle de juin 1940, Le chagrin et la pitié4, la collaboration et la résistance dans la France de Vichy. Ils ont obéi à leurs parents et plus tard à leurs enfants ; timides, ils ne veulent surtout pas être à charge, continuent à épargner et souscrivent des conventions obsèques pour payer le dernier service qui leur sera rendu !
– Une opposition parfois frontale entre parents et enfants : formés dans des contextes fort différents, ils ont connu des scénarios opposés. Il est question de responsabilité dans des guerres, ce moyen cynique qu’utilisent les vieux pour envoyer prématurément les jeunes au «casse-pipe », et de la gestion du chômage des jeunes.

1Nouvelles recrues, notamment dans l'armée; ici, les jeunes qui ne sont pas formés.
2. Les jeunes n'acceptent qu'un héritage sans dette(s).
3. Philosophe et essayiste français contemporain.
4. Titre d'un film de M. Ophüls dont le propos est explicité dans la suite de la phrase : collaboration et résistance sous l'Occupation.


Bernard Préel, Générations : la drôle de guerre in « De génération à génération » (Informations sociales n° 134, juin 2006.)

 « L'humanité est faite de plus de morts que de vivants1 » : au sens où les morts sont plus nombreux que les vivants, bien sûr ; mais surtout parce que sans cette mémoire de l'humanité qu'est la culture, l'individu ne serait que biologique, l'individu ne serait qu'une abstraction. C'est l'Humanité qui est bien réelle, seule réelle à travers ces humanités. C'est pourquoi Auguste Comte2 propose une « religion de l'Humanité », ce qui est souvent mal compris. Il veut dire là que notre humanité est reliée à cette grande collectivité humaine, seule à être immortelle, alors que les individus, les générations ne font que passer et meurent. L'héritage est loin d'être un esclavage comme l'instinct puisque l'on peut remanier, trafiquer même, prolonger, critiquer, enrichir ce legs. Ce que nous suggère cet héritage, c'est que l'humanité est le plus vivant des êtres connus, et en ce sens, malheureux l'inculte : il se prive de la grande compagnie des morts qui éclaire et enchante le monde des vivants. Comme le fait comprendre Oscar Wilde3 pour qui, sans la peinture de Turner4, nous resterions insensibles à la beauté des brouillards irisés de la Tamise : « Là où l'homme cultivé saisit un effet, l'homme sans culture attrape un rhume. » Il y a peut-être pire, alors, que l'amnésie : c'est l'inculture, c'est le fait de se croire ou de se vouloir orphelin...
  « Tel père, tel fils », alors ? On n'ose le soutenir, de peur d'être « mélo »5 ou fataliste. Mais tout de même, voilà quarante ans que la sociologie a avancé l'idée de capitaux symboliques, qu'elle démontre que nos héritages ne sont pas seulement économiques et matériels, mais aussi sociaux. De ce point de vue, nous sommes pris dans un véritable conflit d'héritage : d'un côté le grand héritage des humanités, celui qu'idolâtre Auguste Comte ; de l'autre côté, l'hérédité de nos appartenances sociales qui bloquent et interdisent l'accès à l'héritage culturel.

1. Citation d'Auguste Comte.
2. Philosophe français (1798 — 1857).
3. Écrivain et auteur dramatique anglais d'origine irlandaise (1856-1900).
4. Peintre, aquarelliste, dessinateur anglais (1775-1861).
5. « Mélo » : abréviation de l'adjectif « mélodramatique », synonyme de sentimental et niais.
Etienne Gruillot, Petites chroniques de la vie comme elle va (2002).





 Dessin de Plantu (Le Monde, 12 novembre 1999).1
1. Allusion à deux phénomènes de l'année 1999 : la crainte du bogue de l'an 2000 (dysfonctionnement possible des systèmes informatiques au moment de l'entrée en service de la datation 2000) et l'éclipse solaire importante d'août 1999.





Proposition de corrigé

Les générations ont un devoir envers celles qui les suivent et la responsabilité de l'héritage qu'elles laissent. C'est ce que nous explique Bernard PREEL dans «Générations la drôle de guerre » paru en 2006. Wajdi MOUAWAD met en scène dans « Ciel » paru en 2009, un père et un fils qui communiquent à distance sur un projet culturel, le père tentant de convaincre le fils de l'importance de l'héritage laissé par les artistes. Dans « Petite chronique de la vie comme elle va » publié en 2002, Etienne GRUILLOT dit que l'héritage est un leg que l'on peut prolonger, critiquer mais aussi enrichir. Sur une note humoristique PLANTU dans un dessin réalisé en 1999 nous montre deux jeunes ne connaissant apparemment pas la guerre de 14/18 et le combat des poilus. Les générations se suivent donc et ne se ressemblent pas , Une génération devrait pourtant se tourner vers le passé pour en tirer un enseignement, mais alors comment réagit-elle dans la société contemporaine ?
 
Les générations se suivent et ne se ressemblent pas, alors que dans la pièce de Majdi MOUAWAD le père considère l'art comme une empreinte du passé, le fils a tendance à penser qu'il s'agit d'un devoir contraignant, son mutisme aux propos du père en témoigne. Bernard PREEL nous explique que les jeunes refusent les conseils des générations qui les précèdent car le nombre d'années qui les séparent des plus vieux est importante. Il ajoute que les vieux vivent dans le passé alors que les jeunes semblent se tourner vers la science fiction. Etienne GRUILLOT dit qu'on ne peut plus soutenir la thèse ancestral du « tel père, tel fils » et PLANTU nous montre deux générations sur son dessin publié en 1999, la génération Mac Do et la génération des poilus morts pour la France. Les deux jeunes passant devant la statue du héros sans sans se rappeler de quelle période de l'histoire il s'agit. Leurs parents l'auraient sans doute su. Cela rejoint l'idée de Majdi MOUAWAD qui nous montre un père séduit par le travail des anciens alors que le fils y est hermétique. Et pourtant ainsi que l'explique Bernard PREEL la transmission du code culturel paraît ne jamais finir, il faut la réactiver, en assurer la transmission. Etienne GRUILLOT précise que l'humanité est pourtant réelle à travers les humanités. Bernard PREEL écrit que les jeune veulent fonder leur propre culture, se démarquer ainsi des anciens.
 
Il est pourtant nécessaire pour une génération de se tourner vers le passé pour en tirer un enseignement. Le passé permet de grandir comme le dit le père dans l'extrait de la pièce de Wajdi MOUAWAD, il ajoute que découvrir les procédés utilisés par les anciens permet de progresser d'apprendre, il évoque la qualité et la rareté des couleurs créées avant l'existence même du pays où vit le jeune adolescent. Bernard PREEL explique dans « Générations la drôle de guerre » le texte qu'il a écrit en 2006 » que se tourner vers le passé permet d'apprendre, il ajoute que la formation est essentielle aux jeunes. PLANTU en publiant son dessin en 1999 transmet la même idée, les jeunes qui passent devant la statue du poilu sans en comprendre le message se privent d'analyser le passé et d'en tirer les conséquences. Car selon Bernard PREEL l'histoire est tournée vers « l'inconnu et le surprenant », d'où l'intérêt des jeunes de l'aborder. Etienne GRUILLOT va encore plus loin dans cette analyse en expliquant que si on ne regardait pas vers le passé il n'y aurait aucune trace, l'individu ne serait que biologique, il deviendrait abstraction. Bernard PREEL insiste sur le fait qu'il faut former les jeunes même si cela ne paraît pas facile. Dans la pièce « Ciel » écrite par Wajdi MOUAWAD le père propose à son fils de l'aider lui transmettant ainsi sa façon de procéder dont le fils tirera avantage.
 
On peut donc penser que les nouvelles générations ont tout intérêt à tenir compte de l'évolution de la société de son enseignement mais comment réagissent-elles alors ? Peut-être en se laissant persuader c'est ce que parvient à faire le père dans la pièce « Ciel », en effet le père argumente et dit à son fils que c'est une chance d'apprendre du passé. Et pourtant les parents tentent d'éviter à leurs enfants les erreurs qu'eux-mêmes ont commises c'est ce que nous explique Bernard PREEL qui nous dit que dans ce cas le fils commettra quand même cette erreur pour vérifier. Car, selon Bernard PREEL, la société a changé les jeunes veulent fonder leur propre culture. Ils n'ont plus la même façon de vivre que leurs parents en raison de la mutation de la société, le travail aléatoire, l'allongement de la vie en sont deux facteurs notables. Bernard PREEL cite une phrase de René GIRARD « les fils répètent les crimes de leurs père précisément parce qu'ils se croient moralement supérieurs » Les parents ont tendance à vivre dans le passé et les jeunes se plongent dans la science fiction, ils ont l'impression d'avoir tout inventé. Le dessin de PLANTU nous montre deux jeunes sans complexe qui boudent un passage de l'histoire important. La transmission ne se fait plus comme avant selon Etienne GRUILLOT, les pairs remplacent les pères. Les jeunes se tournent davantage vers ceux qui leur ressemblent que vers leurs ascendants. Cela entraine forcément une inculture observée dans le dessin de PLANTU mais aussi dans « Petite chronique de la vie comme elle va » d'Etienne GRUILLOT où l'auteur nous explique que l'inculte qui ne considère pas cet héritage se prive de ceux qui enchantent le monde des vivants. Il cite une phrase d'Oscar WILDE à propos de l'oeuvre de TURNER « Là où l'homme cultivé saisit un effet, l'homme sans culture attrape un rhume.
 
Il est évident que les générations se suivent et ne se ressemblent pas. Chacune est porteuse de ses propres projets toutefois il paraît nécessaire qu'elles se tournent vers le passé afin d'y puiser un enseignement utile même si forcément elles feront leur propre expérience avec les conséquences que cela peut entrainer. Il ne faut pourtant pas qu'elles oublient que le rôle des parents est de guider, d'aider, de conseiller, de transmettre un héritage spirituel et financier. Gargantua, le héros de RABELAIS, ne fait-il pas l'éloge de tous les savoirs à son fils parti étudier à paris et ne tente-t-il pas de la convaincre que l'éducation lui permettra de mieux vivre et d'être plus heureux.
 
Discussion
 
Préserver entre les générations une culture commune vous semble-t-il important ?
 
Le clivage générationnel entre les êtres est naturel  il accentue forcément les différences et on peut se demander alors si préserver une culture commune entre les générations est important. Avant de répondre à cette interrogation nous chercherons à définir ce qu'est une génération puis nous nous demanderons pourquoi il est nécessaire qu'elle existe.
 
Selon le dictionnaire de la langue française d'Emile LITTRE, une génération sépare les enfants des parents et désigne une classe d'âge, une période d'environ trente ans ou plus largement encore toutes les personnes vivant à la même époque. Le dictionnaire suisse de politique sociale aborde différemment la notion de génération en notant que les critères socio-culturels ont tendance à être ignorés aujourd'hui au profit de la classe d'âge. Karl MANHEIM dans « le problème des générations » explique que la différence qui sépare deux classes d'âge ne suffit pas forcément à définir une génération. Il existe en effet d'autres liens. L'identité est également un facteur susceptible de définir une génération, l'après-guerre a vu naitre la Beat Generation, celle de Michael JACKSON perdure et couvre plusieurs classes d'âges il en de même pour la Génération OBAMA, porteuse d'espoir. Bernadette BADIN LEGROS dans « Génération désenchantée » explique que les générations se construisent à partir d'une manière commune de voir et de penser le monde, elle appelle cela « l'empreinte cognitive ».
 
Pourquoi est-il nécessaire qu'une génération existe ?
 
Tout d'abord pour s'affirmer, dans « Lettre au Père » Franz KAFKA explique que ses goûts, ses amitiés et même ses projets de mariage ont été déterminés par le jugement de son père, il a donc rompu les contacts avec ce dernier pour enfin être en mesure de s'affirmer. Sigmund FREUD dans « Introduction à la psychanalyse » nous dit que pour s'identifier une génération doit forcément entrer en conflit. Il est nécessaire à une génération d'exprimer sa différence par exemple dans  « les mots » qui est une fait une biographie écrite par SARTRE on prend conscience que le jeune Jean-Paul a profité de ce qui pour lui était une souffrance quand il était enfant c'est à dire de sa différence. Cette expérience au demeurant négative lui a permis d'être ce qu'il deviendra pas la suite. Etre différent comme Julien Sorel le héros de l'oeuvre de STENDAHL « Le Rouge et le Noir », différent physiquement, mentalement de sa famille qui travaille de ses mains, très vite Julien comprend qu'il doit se démarquer de ces êtres rustres lui qui aspire à la réussite sociale. Alfred de Musset dans »les confessions d'un enfant du siècle » rejoint STENDHAL qui présente Julien Sorel comme un adorateur de Napoléon, il parle du respect immense de sa génération pour Napoléon 1er.
 
Semble-t-il alors important de préserver une culture commune entre les générations ?
 
Préserver une culture commune créé un lien entre les générations. Dans « Ciel » une pièce écrite en 2009 par Majdi MOUAWAD on découvre un père, dont le fils vit au Québec, désireux d'aider son enfant à accomplir un travail sur l'art. Le fils paraît hermétique à la peinture mais le père lui explique que cet enseignement le fera grandir. Mais ce qui ouvrira le dialogue entre le père est le fils est la proposition du père de partager avec son fils le travail à accomplir. Bernard PREEL dans « Générations la drôle de guerre » affirme que la transmission su code culturel ne cesse jamais entre les générations même si former les jeunes à une culture commune avec les plus anciens se révèle un travail difficile. Car ce désir des plus anciens d'informer, d'enseigner est en quelque sorte un devoir de mémoire nécessaire et bien que les jeunes aient le droit de fonder leur propre culture, il est nécessaire selon Etienne GRUILLOT dans « Petite chronique de la vie comme elle va » d'éviter l'inculture qui se prive de la compagnie de ceux qui enchantent le monde des vivants. L'héritage culturel est aussi important que l'héritage social, il ajoute même que sans culture l'individu ne serait que biologique, qu'abstraction. PLANTU sous une forme humoristique accuse les jeunes d'inculture en les montrant incapables de situer dans le temps la date du 11 novembre alors que figure derrière eux la statue d'un poilu. Ne pas préserver une culture commune restreint forcément le dialogue ce qui est préjudiciable, car ainsi que l'explique Bernard PREEL, le cycle de la vie ne s'arrête pas de tourner et la transmission du code culturel ne doit jamais cesser.
 
Chaque génération aime à se montrer différente, plus inventive, plus en mesure de changer les choses et elle existe en s'affirmant en se créant une identité propre. Elle refuse d'écouter les anciens et commet des erreurs mais ces expériences sont nécessaires à son accomplissement. Il semble toutefois nécessaire qu'elle préserve une culture commune avec les générations précédentes pour en recueillir un enseignement destiné à conserver un héritage, une trace cognitive. Un monde qui serait dépourvu de cette transmission serait celui décrit par Dino BUZZATI dans « Chasseurs de vieux », un univers dépourvu de gens plus âgés parce qu'ils véhiculent une réalité historique et un respect dont les jeunes veulent se débarrasser et qu'ils contestent activement. Heureusement la pièce de Sylvie CASSEZ «  TANGO PANACHE » réconcilie les générations en offrant à trois jeunes et à trois seniors la possibilité d'apprendre à se connaître, à échanger et à apprécier leurs différences. 

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