vendredi 28 octobre 2011

2. Le tableau comparatif

Etonnants voyageurs
Claude Levi Strauss
Paul Nizan
Une tradition littéraire et artistique (Baudelaire, Delacroix…) a célébré l’Orient en proposant aux Occidentaux des images de lui aussi multiples que rêvés.
Depuis que l’uniformité de la civilisation occidentale s’est emparée du monde, la tradition littéraire qui célébrait les voyages
n’est plus pertinente. C’est en réalité une duperie, un mensonge (dernier §)
Les récits de voyage romantiques (1820/2827) grâce auxquels le christianisme songeait à se régénérer ne sont que de pieux mensonges.
Cette tradition a  fait de l’Orient un objet de fantasmes ou de peurs
Cette tradition avait développé un « coffret de promesses » à propos des voyages. Mais nos désirs « sont mortifiés »
Cette tradition était faite d’exotisme, de multiples panoramas, de rêves illusoires de salut. A l’expérience, elle se révèle illusoire, comme une quête sans cesse reconduite.
La réalité géographique de l’Orient est complexe (proche, moyen et extrême)
Tous les continents (Polynésie, Asie, Afrique, Amazonie, Océanie) sont touchés.
Mer Rouge, Océan Indien, delta du Nil, Ethiopie : partout le commerce du pétrole et des épices impose une même réalité décevante
L’Orient, c’est l’altérité absolue : sa sagesse s’opposerait à notre raison, sa sensualité à notre morale, son respect des traditions à notre religion du progrès.
La civilisation occidentale s’est ainsi imposée partout, pas toujours de façon heureuse. C’est la contrepartie désastreuse du progrès, que nous retrouvons dorénavant partout.
La société française s’est construite à partir du sédentarisme. C’est une culture paysanne à laquelle Nizan se dit attaché. C’est aussi une culture politique de défense du sol.
En réalité, Orient et Occident se fascinent et  s’inquiètent mutuellement.
L’ordre et l’harmonie règnent en Occident au prix de l’élimination du reste des cultures.
L’occident possède pourtant de nombreux mythes liés au voyage (Thésée, la reine de Saba, et le dernier dans l’Hadès). Face à cette tradition sédentaire s’est aussi développée une tradition conquérante que Nizan condamne.
La mondialisation des échanges débouchera-t-elle sur une confrontation finale ou une réconciliation ?
L’humanité tout entière s’installe dans la monoculture.
Le voyage est une « suite de disparitions irréparables »
Les organisateurs de  Etonnants voyageurs sont enthousiastes quant à l’aspect légendaire de l’Orient et s’interroge sur  le devenir de la relation entre l’Occident et l’Orient
Les récits de voyages occultent la réalité désastreuse de l’instauration de cette monoculture.
Vouloir faire d’un autre lieu que le pays natal un chez soi est soit « un défi au bon sens », soit une forme de naïveté politique.

Un tableau comparatif permet de structurer correctement la synthèse en reprenant les arguments de chacun des textes du dossier  (ici, les trois premiers textes du dossier sur le voyage) .
Il permet de lire de façon verticale  le déroulement argumentatif de chaque  texte  (une colonne par texte) et de façon verticale ce que chacun des textes avance de chaque argument.
On les rassemble en tenant compte de ce qui s’oppose, se répète, se ressemble.  Cela permet ensuite de grouper les remarques de chaque auteur  par paragraphe.
Le tableau comparatif est une étape indispensable pour établir la problématique et le plan de votre synthèse.
Établir la problématique et le plan forment les deux aspects d'une même démarche, puisqu'on ne peut construire de plan sans problématique préétablie, et que  toute problématique bien posée appelle une logique (un plan) pour être solutionnée. Les deux aspects forment donc une même étape, qui est l’étape suivante de l’élaboration d’une synthèse. 

jeudi 13 octobre 2011

Quand tu aimes, il faut partir

A rendre pour le mardi 18 Octobre

Quand tu aimes il faut partir
Quitte ta femme quitte ton enfant
Quitte ton ami quitte ton amie
Quitte ton amante quitte ton amant
Quand tu aimes il faut partir
Le monde est plein de nègres et de négresses
Des femmes des hommes des hommes des femmes
Regarde les beaux magasins
Ce fiacre cet homme cette femme ce fiacre
Et toutes les belles marchandises


II y a l'air il y a le vent
Les montagnes l'eau le ciel la terre
Les enfants les animaux
Les plantes et le charbon de terre


Apprends à vendre à acheter à revendre
Donne prends donne prends


Quand tu aimes il faut savoir
Chanter courir manger boire
Siffler
Et apprendre à travailler


Quand tu aimes il faut partir
Ne larmoie pas en souriant
Ne te niche pas entre deux seins
Respire marche pars va-t'en


Je prends mon bain et je regarde
Je vois la bouche que je connais
La main la jambe l'œil
Je prends mon bain et je regarde


Le monde entier est toujours là
La vie pleine de choses surprenantes
Je sors de la pharmacie
Je descends juste de la bascule
Je pèse mes 80 kilos
Je t'aime

Blaise Cendrars

1) Qui est Blaise Cendrars
2) En quoi le texte de Cendrars est-il encore romantique ? En quoi ne l'est-il déjà plus ?
3) Identifiez des arguments que l'on pourrait placer en regard des trois autres textes (Etonnants Voyageurs, Levi-Strauss, Paul Nizan) dans le tableau comparatif de la synthèse.

mardi 4 octobre 2011

Aden Arabie,Paul Nizan

Qu'on ne me refasse plus le tableau séduisant des voyages poétiques et sauveurs, avec leurs fonds marins, leurs monceaux de pays et leurs personnages étrangement vêtus devant des forêts, des montagnes, des cimes couvertes de neiges éternelles, et des maisons de trente étages.
Je sais à quoi m'en tenir sur les départs dont on parlait en France entre mil neuf cent vingt et mil neuf cent vingt-sept, images déteintes de la vieille mort chrétienne au monde, renonciations au monde contre les promesses les plus solennelles du Bon Dieu, qui parlait d'une recréation, de nouvelles arènes où toute la vie serait complètement restituée. Profusion de visions, de surprises, d'incidents révélés. Abondance de divinités.
Je suis un Français paysan : j'aime les  champs, j'aime même un seul champ, je m'en contenterais pour le reste de mes jours pourvu qu'il y passe des voisins. Je ne veux pas connaître l'absence d'espoir des vagabonds : cela aussi, j'ai su ce que c'était  sur les côtes de la mer Rouge, de l'océan Indien, dans le delta du Nil et ailleurs.  Il fallut de temps en temps me défendre des voyages en regardant Aden (1) comme mon champ, bien que cet effort fût un défi au bon sens. 
Récifs pour récifs, j'aime mieux la terre.
Je rejette les navigations et les itinéraires. On a toujours l'impression qu'on est debout au sommet de quelque chose, qu'on a autour de soi de grandes pentes presque verticales au bas desquelles on roulera, au bas desquelles on se perdra. Tout vous est arraché; les escales arrivent, on descend sur les quais, on espère posséder une ville, des habitants. Pensez-vous ! Le bateau repart, vous avez une fois encore perdu une place humaine et une belle occasion de rester tranquille. C'est le vrai voyage, où l'on referme, comme un coupable dans l'Hadès, ses bras étendus sur la fumée des navires, des brouillards de lumière. Le voyage est une suite de disparitions irréparables.
Renonçons à conquérir des archipels désirables, producteurs de pétroles ou d'épices, où la poésie place de très hautes femmes debout dans des robes de couleur, des soeurs d'Ariane ramassant des fruits de mer, et guettant les descendants de Thésée. En mil neuf cent vingt six, j'ai entendu des gens de commerce parler avec une émotion véritablement sincère de l'entrevue de Salomon et de la reine de Saba, du royaume de Balkis et de la Côte des Aromates. Ils croyaient que ces royaumes sont à leur porte, et il est permis d'espérer qu'un archéologue sensible aux éléments fantastiques de sa science se mette à la recherche d'Ophir, entre Aden et Dafar.
Mais moi, je ne me condamnerai pas à l'enfer des voyages, qu'Ariane meure en paix. Mes ennemis ne peuvent pas compter sur cette naïveté de ma part.

(1) Aden : Ville du Yemen, port naturel, où Nizan se rendit et qui donna en 1931 son titre à son récit, Aden Arabie.


QUESTIONS :   (une trentaine de lignes)

1) Qui est Paul Nizan ? (une dizaine de lignes retenant ce qui vous parait le plus significatif)
2) Elucidez les références culturelles soulignées dans le texte.
3) Quel est le reproche principal que Nizan adresse au voyage ? Comment comprenez-vous la dernière phrase du texte ?