jeudi 26 mai 2011

L'enseignement en détresse

DOCUMENT UN :

«  Je crois que la force de tout enseignement par rapport aux événements du monde est d’imposer aux esprits un détour. Si l’on veut s’orienter convenablement dans une promenade au cours de la quelle on doit retrouver son chemin, il faut prendre, en pensée, du recul. Il faut se retourner, voir d’où vient le chemin que l’one st en train de parcourir et où sont les repères, recourir à une carte, sur laquelle le paysage confus, masqué de buissons et d’arbres, d’ombres et de creux, se ramène à un tracé schématique, couvrant un horizon bien plus étendu et qui soudain rend compte du paysage. Il en va de même dans les choses de l’esprit. Complexe, notre société ? O combien ! Mais dans ce cas, pour l’appréhender, pour en comprendre les problèmes et les tendances, il faut précisément faire le détour et apprendre à connaître d’autres sociétés plus simples.
Je reste convaincue que l'on comprend mieux la collectivité qu'est l'État quand on connaît la cité grecque, avec les dévouements qu'elle suscitait si largement et les crises qu'elle traversa et surmonta, que l'on comprend mieux les relations entre les pays quand on a pratiqué la relation toute simple qui s'établit au niveau de deux cités de régime politique différent et luttant pour la suprématie, ou bien entre des cités grecques et un envahisseur barbare. Après tout, si l'on ne cesse de découvrir, dans la littérature grecque, « l'actualité » de tel passage ou de tel autre, cela n'est point dû au hasard de situations qui se répéteraient, mais au fait que des situations simples, analysées avec rigueur, fournissent divers schèmes d'interprétation susceptibles d'être appliqués à des situations plus complexes.
Je crois aussi que, dans l’ordre des conduites humaines, les problèmes peuvent être posés avec une force accrue lorsque se découvre, au niveau de la famille ou de la cité, le premier élément éclatant d’un dilemme humain : la mort d’Antigone et la mort de Socrate aident à comprendre l’héroïsme et à le sentir dans sa simplicité absolue. « École » vient d'un mot grec signifiant  « loisir ». L'étude doit être la pause féconde et enrichissante où l'on s'arme pour la vie et pour la réflexion, et où l'on entre en possession de tout un trésor humain, que plus tard on n'aura plus, en général, ni le temps ni l'occasion de découvrir. Peu importe que les jeunes, au sortir de l'Université, soient un peu hors du temps, un peu trop entourés d'amis tels que Socrate ou Descartes, Antigone ou Ruy Blas, Virgile ou Rimbaud : la télévision, la radio, le cinéma, rétabliront, toujours bien assez vite l'équilibre. Mais si ce sont juste de petits énarques ou de petits syndiqués bien au courant des dernières réglementations et du cours des monnaies, qui rétablira l'équilibre ?

Pour tout, il faut du temps, et des exercices austères. Il en faut pour le piano, pour la danse. L'enseignement a lui aussi besoin de temps et d'exercices austères. Il a besoin de ce qui paraît inutile et inactuel. C'est cela que l'on appelle la culture, au sens actif du terme.

Jacqueline de Romilly, L'enseignement en détresse, Édition Julliard, Paris, 1984



DOCUMENT DEUX :

« Pour assurer une sortie de  crise durable, nous avons besoin d’un nouveau modèle de croissance fournissant des emplois plus nombreux et de meilleure qualité. Mais pour que l’économie puisse s’adapter à ces nouvelles sources de croissance, les travailleurs doivent être dotés des compétences adaptées», a déclaré M. Angel Gurría, Secrétaire général de l’OCDE. « Si nous pouvons donner aux jeunes une formation de qualité, alors nous aurons plus de chances de réussir.»
Le rapport présente  notamment les recommandations suivantes :
• Pour répondre aux besoins du marché du travail : proposer un éventail de programmes d’enseignement professionnel reflétant à la fois les préférences des élèves et les besoins des employeurs. Outre des compétences spécifiques répondant aux besoins immédiats des employeurs, transmettre des compétences transférables pour soutenir la mobilité professionnelle. Au-delà de l’enseignement secondaire, répartir les coûts entre l’État, les employeurs et les étudiants en fonction des avantages obtenus.
• Pour soutenir les enseignants et les formateurs : dans les établissements d’enseignement professionnel, promouvoir les partenariats avec les entreprises, encourager le travail à temps partiel et favoriser des voies de recrutement souples. En entreprise, apporter  aux personnes dévolues à l’encadrement des stagiaires et des apprentis une préparation pédagogique adaptée. Adopter un cadre d’évaluation normalisé au niveau national.
• Pour encourager la formation en entreprise : proposer suffisamment  de mesures incitatives  aux employeurs et aux élèves pour participer à la formation en entreprise. S’assurer que la formation est de bonne qualité, avec des cadres  assurant une certaine  qualité et des cadres contractuels efficaces pour les apprentis.
• Pour lutter contre la crise économique : soutenir la formation en entreprise et répondre à la demande croissante d’enseignement de formation professionnelle à temps plein.
• Pour élaborer les moyens d’action : impliquer les employeurs et les syndicats dans la formulation et la mise en œuvre de la politique de formation professionnelle. Recueillir et analyser des données concernant les résultats des diplômés sur le plan professionnel. Proposer des services d’orientation professionnelle accessibles à tous s’appuyant sur ces résultats.

Rapport de l’OCDE rédigé par Simon Field, Kathrin Hoeckel, Viktória Kis et Małgorzata Kuczera,  « Agir pour améliorer la qualité et la pertinence des systèmes d'enseignement et de formation professionnels », 22 octobre 2009.


Préparation de texte :

1)      Qui sont les auteurs respectifs de ces textes ?
2)      Quel est leur thème commun ?

3)      En quoi s’opposent-ils ? 



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mardi 24 mai 2011

L'infra-ordinaire

Ce qui nous parle, me semble-t-il, c'est toujours l'événement, l'insolite, l'extra-ordinaire : cinq colonnes à la une, grosses manchettes. Les trains ne se mettent à exister que lorsqu'ils déraillent, et plus il y a de voyageurs morts, plus les trains existent; les avions n'accèdent à l'existence que lorsqu'ils sont détournés; les voitures ont pour unique destin de percuter les platanes: cinquante-deux week-ends par an, cinquante-deux bilans: tant de morts et tant mieux pour l'information si les chiffres ne cessent d'augmenter ! Il faut qu'il y ait derrière l'événement un scandale, une fissure, un danger, comme si la vie ne devait se révéler qu'à travers le spectaculaire, comme si le parlant, le significatif était toujours anormal: cataclysmes naturels ou bouleversements historiques, conflits sociaux, scandales politiques...
Dans notre précipitation à mesurer l'historique, le significatif, le révélateur, ne laissons pas de côté l'essentiel: le véritablement intolérable, le vraiment inadmissible: le scandale, ce n'est pas le grisou, c'est le travail dans les mines. Les " malaises sociaux " ne sont pas " préoccupants " en période de grève, ils sont intolérables vingt-quatre heures sur vingt-quatre, trois cent soixante-cinq jours par an.
Les raz-de-marée, les éruptions volcaniques, les tours qui s'écroulent, les incendies de forêts, les tunnels qui s'effondrent, Publicis qui brûle et Aranda qui parle! Horrible ! Terrible ! Monstrueux ! Scandaleux ! Mais où est le scandale ? Le vrai scandale ? Le journal nous a-t-il dit autre chose que: soyez rassurés, vous voyez bien que la vie existe, avec ses hauts et ses bas, vous voyez bien qu'il se passe des choses.
Les journaux parlent de tout, sauf du journalier. Les journaux m'ennuient, ils ne m'apprennent rien; ce qu'ils racontent ne me concerne pas, ne m'interroge pas et ne répond pas davantage aux questions que je pose ou que je voudrais poser.
Ce qui se passe vraiment, ce que nous vivons, le reste, tout le reste, où est il ? Ce qui se passe chaque jour et qui revient chaque jour, le banal, le quotidien, l'évident, le commun, l'ordinaire, l'infra-ordinaire, le bruit de fond, l'habituel, comment en rendre compte, comment l'interroger, comment le décrire ?
Interroger l'habituel. Mais justement, nous y sommes habitués. Nous ne l'interrogeons pas, il ne nous interroge pas, il semble ne pas faire problème, nous le vivons sans y penser, comme s'il ne véhiculait ni question ni réponse, comme s'il n'était porteur d'aucune information. Ce n'est même plus du conditionnement, c'est de l'anesthésie. Nous dormons notre vie d'un sommeil sans rêves. Mais où est-elle, notre vie ? Où est notre corps ? Où est notre espace ?
Comment parler de ces " choses communes ", comment les traquer plutôt, comment les débusquer, les arracher à la gangue dans laquelle elles restent engluées, comment leur donner un sens, une langue : qu'elles parlent enfin de ce qui est, de ce que nous sommes.

Georges Pérec, l’Infra-Ordinaire, Seuil, 1989


vendredi 20 mai 2011

Roland Barthes : Iconographie de l'abbé Pierre

abbepierre.jpgLa vieille femme serrait encore dans son poing crispé l’avis d’expulsion. L’abbé Pierre (Henri Groues) et ses compagnons l’avaient découverte cette nuit du 31 janvier 1954, raidie par le gel, sur un trottoir du boulevard Sébastopol. Depuis plusieurs nuits ils parcouraient les rues de Paris pour mettre à l’abri des sans logis menacés par un froid de – 20° devenu meurtrier pour les S.D.F. Mais aussi pour des familles à très faibles ressources victimes de la crise du logement conséquence d’une imprévoyance nationale de plusieurs décennies.
Depuis 1951, les communautés de chiffonniers d’Emmaüs, confrontées à ces détresses, avaient tenté de leur porter assistance, dans l’urgence, en aménageant des lieux d’hébergement faits de baraquements, parfois de carcasses d’autobus. Dans la nuit du 3 au 4 janvier 1954, un bébé mourait de froid dans une de ces « cités » de fortune, « Les Coquelicots », à Neuilly-Plaisance. Révolté, l’abbé Pierre interpellait le ministre.

Là, devant cette malheureuse recroquevillée, il mesurait son impuissance. Il lui fallait crier sa colère, en appeler à l’opinion publique. Radio Luxembourg lui ouvrait son antenne. Cet appel du 1er février 1954 : « Mes amis, au secours… » suscitait ce que l’on devait nommer « l’insurrection de bonté », mouvement de solidarité sans précédent. Les dons affluaient : espèces (plusieurs millions de francs de l’époque), vêtements, couvertures, tentes et aussi beaucoup de bonnes volontés. Des comités d’aide aux sans logis, nés partout en France, se regroupaient au sein d’une Union nationale devenue Confédération générale du logement (C.G.L.) afin de promouvoir une autre politique du logement. Les pouvoirs publics, enfin, réagissaient : une loi, rapidement promulguée, suspendait les expulsions pendant les mois d’hiver, un programme de construction de cités d’urgence était lancé, financé par l’emprunt ; le rythme de la construction de logements, notamment H.L.M., doublait en deux ans.

Aujourd’hui, pour bien des causes, l’abbé Pierre reste un recours. Comme la Confédération générale du logement, d’autres associations à même vocation luttent pour le respect du droit au logement ; la loi interdisant les expulsions en hiver reste en vigueur car il y a toujours des sans logis, même s’ils sont autres ; le Samu social ou la Croix rouge continuent, en hiver, le ramassage des plus menacés. Pourtant, des gens meurent encore de froid dans les rues. Réveillée dans sa conscience par l’abbé Pierre, la Nation ne peut plus feindre de l’ignorer.
Roger Dauphin, journaliste, ancien directeur de Faim et soif, revue fondée par l’abbé Pierre, ancien secrétaire général de la Confédération générale du logement

Voici le texte intitulé Iconographie de l'abbé Pierre, tiré de Mythologies de Roland Barthes (1957).
abbe_pierre2.jpg« Le mythe de l'abbé Pierre dispose d'un atout précieux : la tête de l'abbé. C'est une belle tête, qui présente clairement tous les signes de l'apostolat : le regard bon, la coupe franciscaine, la barbe missionnaire, tout cela complété par la canadienne du prêtre-ouvrier et la canne du pèlerin. Ainsi sont réunis les chiffres de la légende et ceux de la modernité.
La coupe de cheveux, par exemple, à moitié rase, sans apprêt et surtout sans forme, prétend certainement accomplir une coiffure entièrement abstraite de l'art et même de la technique, une sorte d'état zéro de la coupe ; il faut bien se faire couper les cheveux, mais que cette opération nécessaire n'implique au moins aucun mode particulier d'existence : qu'elle soit, sans pourtant être quelque chose. La coupe de l'abbé Pierre, conçue visiblement pour atteindre un équilibre neutre entre le cheveu court (convention indispensable pour ne pas se faire remarquer) et le cheveu négligé (état propre à manifester le mépris des autres conventions) rejoint ainsi l'archétype capillaire de la sainteté : le saint est avant tout un être sans contexte formel ; l'idée de mode est antipathique à l'idée de sainteté.
Mais où les choses se compliquent — à l'insu de l'abbé, il faut le souhaiter — c'est qu'ici comme ailleurs, la neutralité finit par fonctionner comme signe de la neutralité, et si l'on voulait vraiment passer inaperçu, tout serait, à recommencer.
La coupe zéro, elle, affiche tout simplement le franciscanisme ; conçue d'abord négativement pour ne pas contrarier l'apparence de la sainteté, bien vite elle passe à un mode superlatif de signification, elle déguise l'abbé en saint François. D'où la foisonnante fortune iconographique de cette coupe dans les illustrés et au cinéma (où il suffira à l'acteur Reybaz de la porter pour se confondre absolument avec l'abbé).
news-graphics-2007-_442513a.jpgMême circuit mythologique pour la barbe : sans doute peut-elle être simplement l'attribut d'un homme libre, détaché des conventions quotidiennes de notre monde et qui répugne à perdre le temps de se raser : la fascination de la charité peut avoir raisonnablement ces sortes de mépris ; mais il faut bien constater que la barbe ecclésiastique a elle aussi sa petite mythologie. On n'est point barbu au hasard, parmi les prêtres ; la barbe y est surtout attribut missionnaire ou capucin, elle ne peut faire autrement que de signifier apostolat et pauvreté ; elle abstrait un peu son porteur du clergé séculier : les prêtres glabres sont censés plus temporels, les barbus plus évangéliques : l'horrible Frolo était rasé, le bon Père de Foucauld barbu ; derrière la barbe, on appartient un peu moins à son évêque, à la hiérarchie, à l'Église politique ; on semble plus libre, un peu franc-tireur, en un mot plus primitif, bénéficiant du prestige des premiers solitaires, disposant de la rude franchise des fondateurs du monachisme, dépositaires de l'esprit contre la lettre : porter la barbe, c'est explorer d'un même cœur la Zone, la Britonnie ou le Nyassaland.
Évidemment, le problème n'est pas de savoir comment cette forêt de signes a pu couvrir l'abbé Pierre (encore qu'il soit à vrai dire assez surprenant que les attributs de la bonté soient des sortes de pièces transportables, objets d'un échange facile entre la réalité, l'abbé Pierre de Match, et la fiction, l'abbé Pierre du film, et qu'en un mot l'apostolat se présente dès la première minute tout prêt, tout équipé pour le grand voyage des reconstitutions et des légendes). Je m'interroge seulement sur l'énorme consommation que le public fait de ces signes. Je le vois rassuré par l'identité spectaculaire d'une morphologie et d'une vocation ; ne doutant pas de l'une parce qu'il connaît l'autre ; n'ayant plus accès à l'expérience même de l'apostolat que par son bric-à-brac et s'habituant à prendre bonne conscience devant le seul magasin de la sainteté ; et je m'inquiète d'une société qui consomme si avidement l'affiche de la charité, qu'elle en oublie de s'interroger sur ses conséquences, ses emplois et ses limites. J'en viens alors à me demander si la belle et touchante iconographie de l'abbé Pierre n'est pas l'alibi dont une bonne partie de la nation s'autorise, une fois de plus, pour substituer impunément les signes de la charité à la réalité de la justice. »

lundi 16 mai 2011

Propositions relatives

La subordination relative est l'un des trois modes de subordination.
  • La proposition relative complète toujours un nom : je vois un homme qui marche dans la rue
  • Elle est introduite par un pronom relatif : Je vois un homme qui marche dans la rue
  • Ce pronom indique le commencement de la proposition, en reprenant un nom qu'on appelle son antécédent :  Je vois un homme (antécédent) [ qui marche dans la rue ]
  • L'antécédent à une fonction dans la principale, le pronom en a une dans la subordonnée. Ne pas confondre les deux : homme est COD de voir dans la principale, qui est sujet de marche dans la subordonnée. 
  • Des relatives peuvent être sans antécédent, ou avec un antécédent sous-entendu. On les appelle relatives substantives car, comme un substantif, elles occupent une fonction : Qui dort dîne  (sujet) ; embrassez qui vous voudrez
Les pronoms simples et invariables  sont : qui, que, quoi, dont, où
Les formes composées sont
Les pronoms relatifs lequel, auquel, duquel  variables en genre et en nombre en fonction de leur antécédent : lequel, laquelle, lesquels, lesquelles.
Le pronom relatif lequel se joint avec les prépositions à et de au masculin singulier et pluriel, ainsi qu’au féminin pluriel (mais pas au féminin singulier) :
à laquelle
de laquelle
  Il peut se combiner avec des prépositions (vers lequel, chez laquelle, pour, entre lesquels…)

dimanche 15 mai 2011

Les racines grecques

Exercice : Réduire chacune de ces longues phrases en utilisant, pour les expressions en gras, les mots qui vous paraissent pertinents (les radicaux sur lesquels ils sont formés vous sont donnés entre parenthèses). 
Par exemple :
L’attribution de formes humaines à des animaux ou à des plantes exprime souvent la croyance en la réincarnation des âmes. (anthropo / meta) 
Vous pourriez écrire : l'anthropomorphisme exprime la croyance en la métempsycose.

1 De véritables fléaux planétaires, comme le Sida, risquent d’encourager une certaine aversion des individus à l’égard de leurs semblables. (pan / anthropo)
Les théories qui faisaient de l’homme le centre de l’univers étaient déjà au XVI° siècle bien peu conformes aux doctrines admises. (anthropo / doxe)
Ce pays, où tous les pouvoirs étaient concentrés dans les mains des riches, sombrait lentement dans le désordre institutionnel.(archie /cratie)
N’accordant le pouvoir qu’à un petit nombre de personnes, ce régime reposait en outre sur des institutions qui favorisaient l’autorité et les privilèges des hommes aux dépends des femmes. (archie / cratie)
Cet état, dont la direction était assurée par un petit nombre de personnes, vivait jalousement sur ses propres ressources. (archie / auto)
Les systèmes politiques qui délèguent les pouvoirs au peuple ne peuvent se passer d’une évaluation régulière de l’opinion publique. (cratie / doxe)
Les hommes politiques disposant abusivement d’un pouvoir qu’ils se sont eux-mêmes octroyé souffrent bien souvent d’un délire de puissance. (cratie / manie)
Les sociétés dominées par la machine administrative font preuve en général d’une allergie prononcée à l’égard de la nouveauté. (cratie / miso)
Au plus haut sommet de leur évolution, les sociétés sont bien souvent tombées dans l’erreur de n’accorder de pouvoir qu’aux hommes d’argent. (cratie / geo)
10 Ce dictateur qui ne tirait sa légitimité que de lui-même flattait bassement les foules pour obtenir leurs suffrages. (cratie / demo )
11 L’œuvre de Balzac enferme un véritable abrégé de l’univers social à l’égard duquel l’écrivain a le privilège du dieu créateur. (demo / cosmo)
12 Notre langue est de plus en plus envahie par des expressions qui atténuent certaines réalités déplaisantes et certaines constituent de véritables messages chiffrés ! (eu / crypto)
13 La science de l’hérédité a fait beaucoup de progrès, mais il faudrait éviter qu’elle serve des politiques de sélection systématique de la race. (eu  /gene)
14 Cet amoureux fervent de la musique l’avait apprise d’instinct, sans recevoir jamais aucune éducation. (manie /auto)
15 Le français d’aujourd’hui est autant menacé par les mots nouveaux qui y apparaissent sans contrôle que par la fabrication de substantifs à partir de sigles. (neo / nyme)
16 La peur morbide des grands espaces publics est de plus en plus répandue dans nos villes géantes. (phobie / mega)
17 L’investigation méthodique de l’inconscient a permis d’éclairer d’un jour nouveau le domaine des maladies mentales. (psyche / patho)
18 Le traitement des maladies ne peut ignorer le rôle que joue l’esprit dans les souffrances du corps. (psyche / therapie)
 19 Une étude de la langue à travers le temps révèle le sens originel d’expressions qui nous paraissent aujourd’hui énigmatiques en raison de leur vieillissement. (dia / archeo)


 Démosthène pratiquant l'art oratoire
Jean Lecomte du Nouÿ (1842–1923). 

lundi 9 mai 2011

Les registres

1) Le registre d’un texte correspond à l’ensemble de ses caractéristiques propres à susciter chez le lecteur ou le spectateur des réactions.
On distingue ainsi  :
  • Le registre comique (faire rire ou sourire)
  • Le registre tragique (éveiller terreur ou pitié)
  • Le registre lyrique (exprimer des sentiments ou des émotions)
  • Le registre pathétique (susciter de la compassion)
  • Le registre polémique (provoquer des réactions par l'ironie, l'exagération, la provocation)
  • Le registre fantastique (générer un doute quant à la réalité d'un évènement)
2) Le registre de langue (ou niveau de langue) correspond à des normes sociales d'usage. On peut distinguer trois grands registres, familier, courant et soutenu. Cela est vrai du lexique comme de la syntaxe. Si des termes de différents registres peuvent être considérés comme synonymes d'un point de vue sémantique (de leur sens), il faut être attentif au fait que chacun ajoute à cette signification une nuance particulière liée à la situation dans laquelle il convient de les employer. Réprimander, blâmer et engueuler sont ainsi synonymes car ils ont grosso modo le même sens. Le premier possède une connotation littéraire et appartient au registre soutenu, le deuxième possède une connotation administrative et appartient au registre courant, le dernier une connotation vulgaire qui en fait un terme familier. Le registre de langue donne ainsi des informations sur celui qui parle (enfant ou adulte, instruit ou non instruit, inférieur ou supérieur hiérarchique) et celui à qui on s'adresse.
  • Le registre familier regroupe l'argot, le verlan, les abréviations, les termes affectifs ou enfantins. Il est celui des conversations courantes et privées dans lesquelles des fautes de syntaxe et de construction sont admises (reprises pronominales incorrectes, absence de négation, phrases sans verbes ou incomplètes...). Il dénote un milieu populaire, des relations amicales ou familiales. Signe de familiarité, il est à éviter dans la vie publique (par exemple le tutoiement est familier). Il marque la spontanéité.
  • Le registre courant est celui des articles de presse, du journal télévisé, des entretiens ordinaires dans la vie professionnelle. Il est celui qu'on exige des candidats, à l'oral comme à l'écrit. Il ne doit pas comporter de faute de syntaxe. Il induit une certaine neutralité dans l'échange quotidien. 
  • Le registre soutenu suppose la maîtrise d'un vocabulaire et d'une syntaxe riches et recherchés. Il est souvent assimilé au langage littéraire ou technique des revues pour spécialistes. Il marque un milieu socioculturel élevé et indique la déférence, la politesse du locuteur.
Par ailleurs, le registre familier correspond au code oral, alors que les registres courant et soutenu correspondent au code écrit, dans lequel par exemple aucune abréviation n'est admise.

Exercice un : classer les termes suivants en allant des plus familiers aux plus soutenus :
se faire des illusions, se gourer, se leurrer, se tromper, se foutre le doigt dans l'oeil
se vanter, se faire mousser, se mettre en valeur, en mettre plein la vue, en jeter plein la vue, jeter de la poudre aux yeux, frimer
craindre, redouter, avoir peur, être paralysé de terreur, mouiller, appréhender, avoir froid dans le dos, avoir les chocottes
se marrer, rigoler, se fendre la gueule, s'esclaffer, rire, se bidonner, manifester son hilarité
rapiat, pingre, ladre, radin, avare
grouille-toi, fonce, dépêche toi, presse-toi, accouche, hâte-toi, magne, active

Exercice deux : A votre avis, à qui pourraient être adressées les lettres que termineraient les formules suivantes ? Dans quel contexte ? Qui pourrait les avoir écrites ?
Je t'embrasse affectueusement
Votre affectionné
Croyez (...) à l'assurance de mes sentiments les meilleurs
Veuillez croire à ma parfaite considération
Je vous prie de bien vouloir agréer mes salutations distinguées
Sincèrement vôtre
Cordialement
Je vous prie d’agréer l'expression de mon profond respect
Salut et à bientôt
Sentiments cordiaux


Exercice trois  : Réécrivez les phrases dans les registres précisés
Je ne sais absolument pas pourquoi il s'est mis en colère (registre soutenu)
Portez discrètement votre regard vers cet individu là-bas. Ne dirait-on pas qu'il arbore un postiche sur le crâne ? (registre courant et familier)
Fred, le pote d'Alain, qui crèche dans le bled à trois bornes d'ici, s'est cassé avec Jasmine (registre courant, et registre soutenu)
Maman, elle est prof de bio dans un bahut où ça craint  (registre courant)