lundi 10 février 2014

Pub Kookaï

Le dernier document de la synthèse sur le marketing, disponible en couleur.


mardi 14 janvier 2014

Cervantes - Don Quichotte (1605)


Sancho rejoignit son maître, si abattu, si affaissé, qu’il ne pouvait plus seulement talonner son âne. Quand Don Quichotte le vit en cet état : « Pour le coup, bon Sancho, lui dit-il, j’achève de croire que ce château, ou hôtellerie si tu veux, est enchanté sans aucun doute. Car enfin ceux qui se sont si atrocement joués de toi, que pouvaient-ils être, sinon des fantômes et des gens de l’autre monde ? Ce qui me confirme dans cette pensée, c’est que, tandis que je regardais les actes de ta déplorable tragédie par-dessus l’enceinte de la cour, il ne me fut possible ni de monter sur les murs, ni de les franchir, ni même de descendre de cheval. Sans doute ils me tenaient moi-même enchanté ; car je te jure, par la foi de qui je suis, que si j’avais pu monter au mur ou mettre pied à terre, je t’aurais si bien vengé de ces félons et mauvais garnements, qu’ils auraient à tout jamais gardé le souvenir de leur méchant tour, quand bien même j’eusse dû, pour les châtier, contrevenir aux lois de la chevalerie, qui ne permettent pas, comme je te l’ai déjà dit maintes fois, qu’un chevalier porte la main sur celui qui ne l’est pas, sinon pour la défense de sa propre vie et en cas d’urgente nécessité. — Chevalier ou non, répondit Sancho, je me serais, pardieu ! bien vengé moi-même, si j’avais pu, mais le mal est que je ne pouvais pas. Et pourtant je jurerais bien que ces gens-là qui se sont divertis à mes dépens n’étaient ni fantômes ni hommes enchantés, comme dit votre grâce, mais bien de vrais hommes de chair et d’os tout comme nous ; et je le sais bien, puisque je les entendais s’appeler l’un l’autre pendant qu’ils me faisaient voltiger, et que chacun d’eux avait son nom. L’un s’appelait Pedro Martinez ; l’autre, Tenorio Fernandez, et l’hôtelier, Jean Palomèque le gaucher. Ainsi donc, seigneur, si vous n’avez pu sauter la muraille, ni seulement mettre pied à terre, cela venait d’autre chose que d’un enchantement. Quant à moi, ce que je tire au clair de tout ceci, c’est que ces aventures que nous allons cherchant nous mèneront à la fin des fins à de telles mésaventures, que nous ne saurons plus reconnaître quel est notre pied droit. Ce qu’il y a de mieux à faire et de plus raisonnable, selon mon faible entendement, ce serait de nous en retourner au pays, maintenant que c’est le temps de la moisson, et de nous occuper de nos affaires, au lieu de nous en aller, comme on dit, de fièvre en chaud mal, et de l’alguazil au corregidor.
— Que tu sais peu de chose, Sancho, répondit Don Quichotte, en fait de chevalerie errante ! Tais-toi, et prends patience : un jour viendra où tu verras par la vue de tes yeux quelle grande et noble chose est l’exercice de cette profession. Sinon, dis-moi, quelle plus grande joie, quel plus doux ravissement peut-il y avoir dans ce monde, que celui de remporter une victoire et de triompher de son ennemi ? Aucun, sans doute. — Cela peut bien être, repartit Sancho, encore que je n’en sache rien ; mais tout ce que je sais, c’est que, depuis que nous sommes chevaliers errants, ou votre grâce du moins, car je ne mérite pas de me compter en si honorable confrérie, nous n’avons jamais remporté de victoire, si ce n’est pourtant contre le Biscayen : encore votre grâce en est-elle sortie en y laissant une moitié d’oreille et une moitié de salade. Depuis lors, tout a été pour nous coups de poing sur coups de bâton, et coups de bâton sur coups de poing ; mais j’ai reçu, par-dessus le marché, les honneurs du bernement, et encore de gens enchantés, dont je ne pourrais tirer vengeance pour savoir jusqu’où s’étend, comme dit votre grâce, le plaisir de vaincre son ennemi. — C’est bien la peine que je ressens, répondit Don Quichotte, et celle que tu dois ressentir aussi. Mais sois tranquille ; je vais dorénavant faire en sorte d’avoir aux mains une épée forgée avec tant d’art, que celui qui la porte soit à l’abri de toute espèce d’enchantement. Il se pourrait même bien que la fortune me fît présent de celle que portait Amadis quand il s’appelait le chevalier de l’Ardente-Épée, laquelle fut une des meilleures lames que chevalier posséda jamais au monde ; car, outre qu’elle avait la vertu dont je viens de parler, elle coupait comme un rasoir, et nulle armure, quelque forte ou enchantée qu’elle fût, ne résistait à son tranchant. — Je suis si chanceux, moi, reprit l’écuyer, que, quand même ce bonheur vous arriverait, et qu’une semblable épée tomberait en vos mains, elle ne pourrait servir et profiter qu’aux chevaliers dûment armés tels, tout de même que le baume ; et quant aux écuyers, bernique. — N’aie pas cette crainte, Sancho, reprit Don Quichotte ; le ciel en agira mieux avec toi. »
Les deux aventuriers s’entretenaient ainsi, quand, sur le chemin qu’ils suivaient, Don Quichotte aperçut un épais nuage de poussière qui se dirigeait de leur côté. Dès qu’il le vit, il se tourna vers Sancho, et lui dit : « Voici le jour, ô Sancho, où l’on va voir enfin la haute destinée que me réserve la fortune ; voici le jour, dis-je encore, où doit se montrer, autant qu’en nul autre, la valeur de mon bras ; où je dois faire des prouesses qui demeureront écrites dans le livre de la Renommée pour l’admiration de tous les siècles à venir. Tu vois bien, Sancho, ce tourbillon de poussière ? eh bien ! il est soulevé par une immense armée qui s’avance de ce côté, formée d’innombrables et diverses nations. — En ce cas, reprit Sancho, il doit y en avoir deux ; car voilà que, du côté opposé, s’élève un autre tourbillon. » Don Quichotte se retourna tout empressé, et, voyant que Sancho disait vrai, il sentit une joie extrême, car il s’imagina sur-le-champ que c’étaient deux armées qui venaient se rencontrer et se livrer bataille au milieu de cette plaine étendue. Il avait, en effet, à toute heure et à tout moment, la fantaisie pleine de batailles, d’enchantements, d’aventures, d’amours, de défis, et de toutes les impertinences que débitent les livres de chevalerie errante, et rien de ce qu’il faisait, disait ou pensait, ne manquait de tendre à de semblables rêveries.
Ces tourbillons de poussière qu’il avait vus étaient soulevés par deux grands troupeaux de moutons qui venaient sur le même chemin de deux endroits différents, mais si bien cachés par la poussière, qu’on ne put les distinguer que lorsqu’ils furent arrivés tout près. Don Quichotte affirmait avec tant d’insistance que c’étaient des armées, que Sancho finit par le croire. « Eh bien ! seigneur, lui dit-il, qu’allons-nous faire, nous autres ? — Qu’allons-nous faire ? reprit Don Quichotte : porter notre aide et notre secours aux faibles et aux abandonnés. Or, il faut que tu saches, Sancho, que cette armée que nous avons en face est conduite et commandée par le grand empereur Alifanfaron, seigneur de la grande île Taprobana, et que cette autre armée qui vient par derrière nous est celle de son ennemi le roi des Garamantes, Pentapolin au bras retroussé, qu’on appelle ainsi parce qu’il entre toujours dans les batailles avec le bras droit nu jusqu’à l’épaule. — Et pourquoi, demanda Sancho, ces deux seigneurs-là s’en veulent-ils ainsi ? — Ils s’en veulent, répondit Don Quichotte, parce que cet Alifanfaron est un furieux païen qui est tombé amoureux de la fille de Pentapolin, très-belle et très-accorte dame, laquelle est chrétienne, et son père ne la veut pas donner au roi païen, à moins que celui-ci ne renonce d’abord à la loi de son faux prophète Mahomet pour embrasser celle de sa fiancée. — Par ma barbe ! s’écria Sancho, je jure que Pentapolin a bien raison, et que je l’aiderai de bon cœur du mieux que je pourrai. — Tu ne feras en cela que ce que tu dois, Sancho, reprit Don Quichotte ; car pour prendre part à de semblables batailles, il n’est pas requis et nécessaire d’être armé chevalier. — J’entends bien cela, répondit Sancho ; mais où mettrons-nous cet âne, pour être sûrs de le retrouver après la fin de la mêlée ? car s’y fourrer sur une telle monture, je ne crois pas que cela se soit vu jusqu’à présent. — C’est vrai, reprit Don Quichotte ; mais ce que tu peux faire de lui, c’est de le laisser aller à la bonne aventure, qu’il se perde ou se retrouve ; car, après la victoire, nous aurons tant et tant de chevaux à choisir, que Rossinante lui-même court grand risque d’être troqué pour un autre. Mais fais silence, regarde, et prête-moi toute ton attention. Je veux te désigner et te dépeindre les principaux chevaliers qui viennent dans les deux armées ; et pour que tu les voies et distingues plus facilement, retirons-nous sur cette éminence, d’où l’on doit aisément découvrir l’une et l’autre. »

CERVANTES L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, Ch XVIII   - Le texte complet disponible ICI

jeudi 9 janvier 2014

Thomas More L'Utopie (1516)



Est-il juste qu'un noble, un orfèvre, un usurier, un homme qui ne produit rien, ou qui ne produit que des objets de luxe inutiles à l'État, est-il juste que ceux-là mènent une vie délicate et splendide au sein de l'oisiveté ou d'occupations frivoles ? tandis que le manœuvre, le charretier, l'artisan, le laboureur, vivent dans une noire misère, se procurant à peine la plus chétive nourriture. Ces derniers, cependant, sont attachés à un travail si long et si pénible, que les bêtes de somme le supporteraient à peine, si nécessaire que pas une seule société ne pourrait subsister un an sans lui. En vérité, la condition d'une bête de somme paraît mille fois préférable ; celle-ci travaille moins longtemps, sa nourriture n'est guère plus mauvaise, elle est même plus conforme à ses goûts. Et puis l'animal ne craint pas l'avenir.
Mais l'ouvrier, quelle est sa destinée ? Un travail infructueux, stérile, l'écrase pré­sen­tement, et l'attente d'une vieillesse misérable le tue ; car son salaire journalier ne suffit pas à tous ses besoins du jour ; comment donc pourrait-il augmenter sa fortune et mettre chaque jour de côté un peu de superflu pour les besoins de la vieillesse ?
N'est-elle pas inique et ingrate la société qui prodigue tant de biens à ceux qu'on appelle nobles, à des joailliers, à des oisifs, ou à ces artisans de luxe, qui ne savent que flatter et servir des voluptés frivoles ? quand, d'autre part, elle n'a ni cœur ni souci pour le laboureur, le charbonnier, le manœuvre, le charretier, l'ouvrier, sans lesquels il n'existerait pas de société. Dans son cruel égoïsme, elle abuse de la vigueur de leur jeunesse pour tirer d'eux le plus de travail et de profit ; et dès qu'ils faiblissent sous le poids de l'âge ou de la maladie, alors qu'ils manquent de tout, elle oublie leurs nombreuses veilles, leurs nombreux et importants services, elle les récompense en les laissant mourir de faim. 
Ce n'est pas tout. Les riches diminuent, chaque jour, de quelque chose le salai­re des pauvres, non seulement par des menées frauduleuses, mais encore en publiant des lois à cet effet. Récompenser si mal ceux qui méritent le mieux de la république semble d'abord une injustice évidente ; mais les riches ont fait une justice de cette monstruosité en la sanctionnant par des lois.
C'est pourquoi, lorsque j'envisage et j'observe les républiques aujourd'hui les plus florissantes, je n'y vois, Dieu me pardonne! qu'une certaine conspiration des riches faisant au mieux leurs affaires sous le nom et le titre fastueux de république.

mercredi 8 janvier 2014

Madame Bovary (Flaubert) & César Birotteau (Balzac)

Emma ne dormait pas, elle faisait semblant d'être endormie ; et, tandis qu'il s'assoupissait à ses côtés, elle se réveillait en d'autres rêves.
Au galop de quatre chevaux, elle était emportée depuis huit jours vers un pays nouveau, d'où ils ne reviendraient plus. Ils allaient, ils allaient, les bras enlacés, sans parler. Souvent, du haut d'une montagne, ils apercevaient tout à coup quelque cité splendide avec des dômes, des ponts, des navires, des forêts de citronniers et des cathédrales de marbre blanc, dont les clochers aigus portaient des nids de cigognes. On marchait au pas à cause des grandes dalles, et il y avait par terre des bouquets de fleurs que vous offraient des femmes habillées en corset rouge. On entendait sonner des cloches, hennir des mulets, avec le murmure des guitares et le bruit des fontaines, dont la vapeur s'envolant rafraîchissait des tas de fruits, disposés en pyramides au pied des statues pâles, qui souriaient sous les jets d'eau. Et puis ils arrivaient, un soir, dans un village de pêcheurs, où des filets bruns séchaient au vent, le long de la falaise et des cabanes. C'est là qu'ils s'arrêtaient pour vivre ; ils habiteraient une maison basse à toit plat, ombragée d'un palmier, au fond d'un golfe, au bord de la mer. Ils se promèneraient en gondole, ils se balanceraient en hamac ; et leur existence serait facile et large comme leurs vêtements de soie, toute chaude et étoilée comme les nuits douces qu'ils contempleraient. Cependant, sur l'immensité de cet avenir qu'elle se faisait apparaître, rien de particulier ne surgissait ; les jours, tous magnifiques, se ressemblaient comme des flots ; et cela se balançait à l'horizon infini, harmonieux, bleuâtre et couvert de soleil. Mais l'enfant se mettait à tousser dans son berceau, ou bien Bovary ronflait plus fort, et Emma ne s'endormait que le matin, quand l'aube blanchissait les carreaux et que déjà le petit Justin, sur la place, ouvrait les auvents de la pharmacie.
Flaubert Madame Bovary

Elle trouva le marchand parfumeur au milieu de la pièce voisine, une aune à la main et mesurant l’air, mais si mal enveloppé dans sa robe de chambre d’indienne verte, à pois couleur chocolat, que le froid lui rougissait les jambes sans qu’il le sentît, tant il était préoccupé. Quand César se retourna pour dire à sa femme : — Eh bien ! que veux-tu, Constance ? son air, comme celui des hommes distraits par des calculs, fut si exorbitamment niais, que madame Birotteau se mit à rire.
— Mon Dieu, César, es-tu original comme ça ! dit-elle. Pourquoi me laisses-tu seule sans me prévenir ? J’ai manqué mourir de peur, je ne savais quoi m’imaginer. Que fais-tu donc là, ouvert à tous vents ? Tu vas t’enrhumer comme un loup. M’entends-tu, Birotteau ?
— Oui, ma femme, me voilà, répondit le parfumeur en rentrant dans la chambre.
— Allons, arrive donc te chauffer, et dis-moi quelle lubie tu as, reprit madame Birotteau en écartant les cendres du feu, qu’elle s’empressa de rallumer. Je suis gelée. Etais-je bête de me lever en chemise ! Mais j’ai vraiment cru qu’on t’assassinait.
Le marchand posa son bougeoir sur la cheminée, s’enveloppa dans sa robe de chambre, et alla chercher machinalement à sa femme un jupon de flanelle.
— Tiens, mimi, couvre-toi donc, dit-il. Vingt-deux sur dix-huit, reprit-il en continuant son monologue, nous pouvons avoir un superbe salon.
— Ah çà, Birotteau, te voilà donc en train de devenir fou ? rêves-tu ?
— Non, ma femme, je calcule.
— Pour faire tes bêtises, tu devrais bien au moins attendre le jour, s’écria-t-elle en rattachant son jupon sous sa camisole pour aller ouvrir la porte de la chambre où couchait sa fille.
— Césarine dort, dit-elle, elle ne nous entendra point. Voyons, Birotteau, parle donc. Qu’as-tu ?
— Nous pouvons donner le bal.
— Donner un bal ! nous ? Foi d’honnête femme, tu rêves, mon cher ami.
— Je ne rêve point, ma belle biche blanche. Ecoute ? il faut toujours faire ce qu’on doit relativement à la position où l’on se trouve. Le gouvernement m’a mis en évidence, j’appartiens au gouvernement ; nous sommes obligés d’en étudier l’esprit et d’en favoriser les intentions en les développant. Le duc de Richelieu vient de faire cesser l’occupation de la France. Selon monsieur de La Billardière, les fonctionnaires qui représentent la ville de Paris doivent se faire un devoir, chacun dans la sphère de ses influences, de célébrer la libération du territoire. Témoignons un vrai patriotisme qui fera rougir celui des soi-disant libéraux, ces damnés intrigants, hein ? Crois-tu que je n’aime pas mon pays ? Je veux montrer aux libéraux, à mes ennemis, qu’aimer le roi, c’est aimer la France !

Balzac, César Birotteau


Dégagez le traitement réaliste que ces deux auteurs font de  la part de rêve que les héros portent en eux-mêmes

lundi 6 janvier 2014

L'Etranger (Baudelaire)

L’étranger

Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? ton père, ta mère, ta soeur ou ton frère ?
- Je n'ai ni père, ni mère, ni sœur, ni frère.
- Tes amis ?
- Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu.
- Ta patrie ?
- J'ignore sous quelle latitude elle est située.
- La beauté ?
- Je l'aimerais volontiers, déesse et immortelle.
- L'or ?
- Je le hais comme vous haïssez Dieu.
- Eh! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?
- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages !


Charles Baudelaire - Le Spleen de Paris

Montrez en quoi ce poème met en perspective le caractère radical de cette part de rêve que chacun porte en soi

mardi 17 décembre 2013

L'interprétation des rêves - Freud

 Il m'a paru déplacé de me présenter comme un « déchiffreur de songes » avant que vous ne sachiez
l'importance que peut revêtir cet art dérisoire et suranné. L'interprétation des rêves est, en réalité, la voie royale de la connaissance de l'inconscient, la base la plus sûre de nos recher­ches, et c'est l'étude des rêves, plus qu'aucune autre, qui vous convaincra de la valeur de la psychanalyse et vous formera à sa pratique. Quand on me demande comment on peut devenir psychanalyste, je réponds : par l'étude de ses propres rêves. Nos détracteurs n'ont jamais accordé à l'interprétation des rêves l'attention qu'elle méritait ou ont tenté de la condamner par les arguments les plus superficiels. Or, si on parvient à résoudre le grand problème du rêve, les questions nouvelles que soulève la psychanalyse n'offrent plus aucune difficulté.
Il convient de noter que nos productions oniriques - nos rêves - ressemblent intimement aux productions des maladies mentales, d'une part, et que, d'autre part, elles sont compatibles avec une santé parfaite. Celui qui se borne à s'étonner des illusions des sens, des idées bizarres et de toutes les fantasmagories que nous offre le rêve, au lieu de chercher à les comprendre, n'a pas la moindre chance de comprendre les productions anormales des états psychiques morbides. Il restera, dans ce domaine, un simple profane... Et il n'est pas paradoxal d'affirmer que la plupart des psychiatres d'aujourd'hui doivent être rangés parmi ces profanes !
Jetons donc un rapide coup d'œil sur le problème du rêve.
D'ordinaire, quand nous sommes éveillés, nous traitons les rêves avec un mépris égal a celui que le malade éprouve à l'égard des idées spontanées que le psychanalyste suscite en lui, Nous les vouons à un oubli rapide et complet, comme si nous voulions nous débarrasser au plus vite de cet amas d'incohérences.
Notre mépris vient du caractère étrange que revêtent, non seulement les rêves absurdes et stupides, mais aussi ceux qui ne le sont pas. Notre répugnance à nous intéresser à nos rêves s'explique par les tendances impudiques et immorales qui se manifestent ouvertement dans certains d'entre eux.
L'Antiquité, on le sait, n'a pas partagé ce mépris, et aujourd'hui encore le bas peuple reste curieux des rêves auxquels il demande, comme les Anciens, la révélation de l'avenir.
Je m'empresse de vous assurer que je ne vais pas faire appel à des croyances mystiques pour éclairer la question du rêve ; je n'ai du reste jamais rien constaté qui confirme la valeur prophétique d'un songe. Cela n'empêche pas qu'une étude du rêve nous réservera de nombreuses surprises.
D'abord, tous les rêves ne sont pas étrangers au rêveur,  incompréhensibles et confus pour lui. Si vous vous donnez la peine d'examiner ceux des petits enfants, à partir d'un an et demi, vous les trouvez très simples et facilement explicables. Le petit enfant rêve toujours de la réalisation de désirs que le jour précédent a fait naître en lui, sans les satisfaire. Aucun art divinatoire n'est nécessaire pour trouver cette simple solution ; il suffit seulement de savoir ce que l'enfant a vécu le jour précédent. Nous aurions une solution satisfaisante de l'énigme si l'on démontrait que les rêves des adultes ne sont, comme ceux des enfants, que l'accomplissement de désirs de la veille. Or c'est bien là ce qui se passe. Les objections que soulève cette manière de voir disparaissent devant une analyse plus approfondie.
Voici la première de ces objections : les rêves des adultes sont le plus souvent incompréhensibles et ne ressemblent guère à la réalisation d'un désir.
-Mais, répondons-nous, c'est qu'ils ont subi une défiguration, un déguisement.
Leur origine psychique est très différente de leur expression dernière. Il nous faut donc distinguer deux choses : d'une part, le rêve tel qu'il nous apparaît, tel que nous l'évoquons le matin, vague au point que nous avons souvent de la peine à le raconter, à le traduire en mots ; c'est ce que nous appellerons le contenu manifeste du rêve. D'autre part, nous avons l'ensemble des idées oniriques latentes, que nous supposons présider au rêve du fond même de l'inconscient. Ce processus de défiguration est le même que celui qui préside à la naissance des symptômes hystériques. La formation des rêves résulte donc du même contraste des forces psychiques que dans la formation des symptômes. Le « contenu manifeste » du rêve est le substitut altéré des « idées oniriques latentes » et cette altération est l’œuvre d'un « moi » qui se défend ; elle naît de résistances qui interdisent absolument aux désirs inconscients d'entrer dans la conscience à l'état de veille ; mais, dans l'affaiblissement du sommeil, ces forces ont encore assez de puissance pour imposer du moins aux désirs un masque qui les cache. Le rêveur ne déchiffre pas plus le sens de ses rêves que l'hystérique ne pénètre la signification de ses symptômes.
Pour se persuader de l'existence des « idées latentes » du rêve et de la réalité de leur rapport avec le « contenu manifeste », il faut pratiquer l'analyse des rêves, dont la technique est la même que la technique psychanalytique dont il a été déjà question. Elle consiste tout d'abord à faire complètement abstraction des enchaînements d'idées que semble offrir le « contenu mani­feste » du rêve, et à s'appliquer à découvrir les « idées latentes », en recher­chant quelles associations déclenche chacun de ses éléments.
Ces associations provoquées conduiront à la découverte des idées latentes du rêveur, de même que, tout à l'heure, nous voyions les associations déclenchées par les divers symptômes nous conduire aux souvenirs oubliés et aux complexes du malade. Ces « idées oniriques latentes », qui constituent le sens profond et réel du rêve, une fois mises en évidence, montrent combien il est légitime de ramener les rêves d'adultes au type des rêves d'enfants. Il suffit en effet de substituer au « contenu manifeste », si abracadabrant, le sens profond, pour que tout s'éclaire : on voit que les divers détails du rêve se rattachent à des impressions du jour précédent et l'ensemble apparaît comme la réalisation d'un désir non satisfait. Le « contenu manifeste » du rêve peut donc être considéré comme la réalisation déguisée de désirs refoulés.
Jetons maintenant « un coup d’œil sur la façon dont les idées inconscientes du rêve se transforment en « contenu manifeste ». J'appellerai « travail onirique » l'ensemble de cette opération. Elle mérite de retenir tout notre intérêt théorique, car nous pourrons y étudier, comme nulle part ailleurs, quels pro­cessus Psychiques insoupçonnés peuvent se dérouler dans l'inconscient ou, plus exactement, entre deux systèmes psychiques distincts comme le conscient et l'inconscient. Parmi ces processus, il convient d'en noter deux : la condensation et le déplacement. Le travail onirique est un cas particulier de l'action réciproque des diverses constellations mentales, c'est-à-dire qu'il naît d'une association mentale. Dans ses phases essentielles, ce travail est identi­que au travail d'altération qui transforme les complexes refoulés en symptômes, lorsque le refoulement a échoué.
Vous serez en outre étonnés de découvrir dans l'analyse des rêves, et spécialement dans celle des vôtres, l'importance inattendue que prennent les impressions des premières années de l'enfance.
Par le rêve, c'est l'enfant qui continue à vivre dans l'homme, avec ses particularités et ses désirs, même ceux qui sont devenus inutiles. C'est d'un enfant, dont les facultés étaient bien différentes des aptitudes propres à l'homme normal, que celui-ci est sorti.
Mais au prix de quelles évolutions, de quels refoulements, de quelles subli­mations, de quelles réactions psychiques, cet homme normal s'est-il peu à peu constitué, lui qui est le bénéficiaire - et aussi, en partie, la victime - d'une éducation et d'une culture si péniblement acquises !
J'ai encore constaté, dans l'analyse des rêves (et je tiens à attirer votre attention là-dessus), que l'inconscient se sert, surtout pour représenter les complexes sexuels, d'un certain symbolisme qui, parfois, varie d'une personne à l'autre, mais qui a aussi des traits généraux et se ramène à certains types de symboles, tels que nous les retrouvons dans les mythes et dans les légendes. Il n'est pas impossible que l'étude du rêve nous permette de comprendre à leur tour ces créations de l'imagination populaire.
On a opposé, à notre théorie que le rêve serait la réalisation d'un désir, les rêves d'angoisse. Je vous prie instamment de ne pas vous laisser arrêter par cette objection. Outre que ces rêves d'angoisse ont besoin d'être interprétés avant qu'on puisse les juger, il faut dire que l'angoisse en général ne tient pas seulement au contenu du rêve, ainsi qu'on se l'imagine quand on ignore ce qu'est l'angoisse des névrosés. L'angoisse est un refus que le « moi » oppose aux désirs refoulés devenus puissants ; c'est pourquoi sa présence dans le rêve est très explicable si le rêve exprime trop complètement ces désirs refoulés.
Vous voyez que l'étude du rêve se justifierait déjà par les éclaircissements qu'elle apporte sur des réalités qui, autrement, seraient difficiles à compren­dre.
Or, nous y sommes parvenus au cours du traitement psychanalytique des névroses. D'après ce que nous avons dit jusqu'ici, il est facile de voir que l'interprétation des rêves, quand elle n'est pas rendue trop pénible par les résistances du malade, conduit à découvrir les désirs cachés et refoulés, ainsi que les complexes qu'ils entretiennent. 
Sigmund Freud, Cinq leçons de psychanalyse (1910) traduction Y. Le Lay, PBP, 1966.


En cliquant ICI, lien direct vers le site sur les récits de rêves.

mercredi 16 octobre 2013

Sujet B2CI

Sujet : Quels sont les effets secondaires de l’avènement d’Internet ?
Pour traiter le sujet, vous pouvez vous inspirer des  arguments évoqués dans le texte ci-dessous, ainsi que des faits cités plus bas. A rendre le mercredi 6 novembre...


« L’avènement de l’Internet et du world wide web, qui ont inauguré l’ère de l’information et vivement accéléré la mondialisation, a engendré des effets secondaires dont les conséquences doivent encore être identifiées ou comprises. Parmi ces effets, on constate : l’échange anonyme et quasi-instantané des idées et des idéologies, le partage et la manipulation de technologies sophistiquées et auparavant protégées, un « networking » social vaste et transparent qui a homogénéisé les cultures, les castes et les classes, la création de mondes virtuels complexes [...]. Le worldwide web a aussi facilité la diffusion de propagandes et d’extrémismes haineux et manipulateurs, le vol de la propriété intellectuelle et d’informations sensibles, [...] et suscité la perspective dangereuse et dévastatrice d’une cyberguerre [...]. Que cette révolution pour la communication et l’accès à l’information soit vue comme la démocratisation des idées ou comme le catalyseur technologique d’une apocalypse, rien n’a eu autant d’impact sur nos vies depuis cent ans. Nos perceptions de nous-mêmes, de la société, de la religion et de la vie ont été mises au défi.»
Wayne Porter et Mark Mykleby, A National Strategic Narrative, Avril 2001



L’une des plus vieilles communautés virtuelles encore en activité, the WELL  (Whole Earth ‘Lectronic Link), sorte de proto-MySpace engendré « bien avant que l’Internet public ne soit lâché » , a été fondée en 1985 par Stewart Brand. Brand, plus connu pour avoir édité un monument de la contre-culture, le Whole Earth Catalog, demeure l’un des derniers vestiges de l’âge d’or de l’acide.

Le 19 juillet 2011, Aaron Swartz est accusé d'avoir téléchargé et mis à disposition en ligne 4,8 millions d'articles scientifiques disponibles dans  Journal Storage, un système d'archivage en ligne de publications universitaires et scientifiques (soit la quasi totalité du catalogue). L'organisation JSTOR n'a pas pris l'initiative d'une telle démarche judiciaire, c'est le procureur des États-Unis Carmen M. Ortiz7 qui a engagé des poursuites contre Aaron Swartz dans le but de le faire arrêter.

Le 22 juillet 2011, l’attentat commis par Anders Behring Breivik en Norvège a fait un total de 77 morts et 151 blessés. Après avoir causé la mort de huit personnes  à Oslo même, il se lança dans une tuerie de masse sur l'île d'Utøya où il assassina 69 personnes, pour la plupart des adolescents. L'idéologie de Breivik est décrite dans un document texte posté sur le web par lui-même le jour des attaques ;  Dans celui-ci, il développe son soutien à l'ultranationalisme blanc, à l'islamophobie, au sionisme, à l'antiféminisme.

Contrairement aux armes conventionnelles, les « cyberarmes » - les logiciels malveillants - peuvent agir longtemps sans êt repérés. « Nous avons perdu notre'cyberinnocence' avec Stuxnet », estime Jarno Limnéll. Développé par les Etats-Unis et Israël, ce malware leur a permis de saboter pendant de longs mois les installations nucléaires iraniennes, ralentissant le programme de plusieurs années. Un autre programme visant l'IRAN Flame, a lui permis aux deux pays de collecter de nombreuses données silencieusement.

Le web est une fabrique de contre-pouvoir, « un laboratoire, à l’échelle planétaire, des alternatives à la démocratie représentative », écrit Dominique Cardon dans La révolution Internet

La plupart des réseaux sociaux sur Internet sont publics, permettant à n'importe qui de s'y joindre. Les plus récents réseaux sociaux sur Internet se sont concentrés davantage sur des sujets spécifiques tels que l'art, le sport, les automobiles, les jeux comme le poker, les propriétaires de chien, et même la chirurgie esthétique.  Le réseautage social a eu aussi une grande influence dans les élections présidentielles américaines et favorise le développement de réseaux sociaux à vocation politique.

Wall Street, qui grimpait hier soir dans l´espoir d´un accord de court terme entre législateurs américains sur les questions du plafond de la dette et du shutdown gouvernemental, affiche plus de modération ce mardi. Les premières publications de la "saison" des trimestriels commencent à tomber (http://www.boursedirect.fr/)

Cherche porteurs de bombe pour opérations kamikazes. La campagne de recrutement a été lancée via des annonces diffusées sur des forums djihadistes par Al-Qaida dans la péninsule arabique (AQPA), qui souhaite développer ses actions, notamment contre les Etats-Unis, la France et Israël. Les annonces, qui invitent les candidats à entrer en contact par e-mail avec l'organisation et à détailler leurs expériences, sont parues sur plusieurs sites de ce type dont Honein et Al-Fidaa, a constaté l'AFP.  « Le but de l'entraînement est de travailler avec ceux de nos frères qui souhaitent mener des opérations conduisant à tuer et massacrer beaucoup d'ennemis de l'islam peut-on lire sur l'une des annonces, attribuée à AQPA, une organisation basée au Yémen ». 

Accessible depuis orange.fr, la messagerie Orange permet d'envoyer, recevoir et gérer vos mails, de créer des adresses rattachées à votre boîte aux lettres, et de créer d'autres boîtes aux lettres

En 2008, Julian Assange estimait que son projet, WikiLeaks avait changé les résultats des élections kényanes de 10% après avoir fait fuiter des documents accablants sur la corruption du régime du président Daniel Arap Moi
                                                                                           
Les capacités de cyber attaques peuvent être cachées. Contrairement aux défilés militaires classiques, il n'y a pas de parades de nerds [1.] Il s'agit plus d'une question de talent que de nombre. En ligne, une personne talentueuse peut faire ce qu'elle veut. 




[1] personne solitaire passionnée et obnubilée par des sujets intellectuels liés aux sciences (notamment les mathématiques, la physique et la logique) et aux techniques, ou de manière générale par tout sujet intellectuel auquel la majorité des gens accordent peu d'attention.