vendredi 15 avril 2011

La politesse

BTS blanc CI - 2009/2010


1. Vous ferez une synthèse concise, objective et ordonnée des documents suivants (40 pts)
DOCUMENT  UN : Régine Dhoquois "Sous contrat", La politesse : vertu des apparences, Paris (1991) : Autrement.
DOCUMENT  DEUXLe MISANTHROPE  (Molière)   Acte Un, scène Un
DOCUMENT TROIS : «Jean Dulck «  Du gentleman au hooligan », La politesse : vertu des apparences, Paris (1991) : Autrement.
DOCUMENT QUATRE Arthur SCHOPENHAUER, Parerga et Paralipomena (1851)

2.Ecriture personnelle  (20 pts)
La politesse n’est-elle qu’un détour hypocrite ?


DOCUMENT UN 


Certains diront que la politesse contrevient à la règle qui voudrait que nous soyons authentiques et francs. Comment un individu peut-il s’obliger à obéir à une règle de politesse sans y consentir? Un individu demande pourquoi il doit dire « merci » s’il n’en a pas envie. Ne devrait-il pas s'évertuer à l’authenticité et répondre franchement à un inconnu qui lui a marché sur les pieds? Pourquoi ne pas répondre à ce rustre : « Regardez où vous mettez les pieds, imbécile! »? Quand on marche sur les pieds d’un inconnu, involontairement évidemment, est-il préférable de lui mentir en faisant semblant d’être vraiment désolé, alors qu’on se moque éperdument de sa souffrance?
La politesse, dans ces circonstances, n’est-elle pas une sorte d’hypocrisie obligatoire pour flatter les uns et charmer les autres? Ne pousse-t-elle pas à l’irrespect à l’égard de soi-même? La politesse ne conduit-elle pas, au fond, à l’inauthenticité?
Les règles de politesse ont certes un caractère obligatoire, mais, sans elles, point de civilité. Sans ces règles, la vie en société serait terriblement brutale. Nos rapports avec les autres seraient continuellement envenimés par des émotions vives, sans retenue, qui s’exprimeraient spontanément. Les règles de politesse visent, il faut le répéter, à adoucir les mœurs. S’il n’y avait pas la politesse, les hommes en viendraient rapidement aux coups. «C’est lui qui a commencé », s’écrierait l’un, « il l’a fait exprès », dirait l’autre. Quand on est poli, on s’excuse, on reçoit les excuses, on dit merci, on reçoit les remerciements. Il en va de la qualité de la vie en société. En somme, les règles de politesse sont les prémices du savoir-vivre. Pour certains individus, le mot « authenticité » rime avec spontanéité et impulsivité. Ils croient que la politesse censure l’authenticité et la franchise. La politesse ne s’oppose ni à l’authenticité ni à la franchise. À vrai dire, la franchise est encore plus généreuse lorsqu’elle est portée par la politesse. Si chacun devait dire ce qu’il pense de celui qui passe près de lui... ce serait merveilleux, à la condition de le dire poliment. Il est faux de croire que la politesse détourne de l’authenticité et de la franchise. La politesse, c’est plutôt l’art de tout dire, de la manière dont il le faut, dans les circonstances appropriées, mais en faisant un détour, avec les mots qu’il faut. Le client d’un restaurant qui s’embête à retenir ce qu’il pense de sa pièce de bœuf trop cuite, par précaution, par gentillesse ou par orgueil, manque de confiance en lui-même. Il est évident qu’il peut exprimer au garçon de table son insatisfaction, mais avec politesse. Il y a des gens qui considèrent qu’une conduite spontanée est plus vraie qu’une conduite civilisée par de bonnes manières. Ils se sentent plus près de leur nature dès qu’ils envoient paître un individu. Il y a une spontanéité pleine de douceur, de finesse et de gentillesse, mais il y a une spontanéité plutôt sauvage et brutale. Entre ces deux formes de spontanéité, nous choisissons la première. La politesse, en fait, vise à freiner les élans spontanés de brutalité. Ceux qui croient que l’acte violent est plus vrai parce qu’il est plus proche de la nature humaine adhèrent à une conception guerrière de l’homme. Tous les traités de sagesse visent à montrer comment les individus peuvent rompre avec cette conception guerrière de l’homme. La politesse, en somme, oblige à exercer son sens ludique, à mettre en jeu sa subtilité, son intelligence pour faire et dire avec raffinement. La vulgarité et la grossièreté ont toujours une odeur de violence. C’est encore la brutalité que les hommes combattent lorsqu’ils sont galants, serviables et attentionnés.

Régine Dhoquois, «Sous contrat»,La politesse : vertu des apparences, Paris (1991), Ed. Autrement.


DOCUMENT DEUX

PHILINTE
Mais, sérieusement, que voulez-vous qu'on fasse ?
ALCESTE
Je veux qu'on soit sincère, et qu'en homme d'honneur,
On ne lâche aucun mot qui ne parte du cœur.
PHILINTE
Lorsqu'un homme vous vient embrasser avec joie,
Il faut bien le payer de la même monnoie,
Répondre, comme on peut, à ses empressements,
Et rendre offre pour offre, et serments pour serments.
ALCESTE
Non, je ne puis souffrir cette lâche méthode
Qu'affectent la plupart de vos gens à la mode ;
Et je ne hais rien tant, que les contorsions
De tous ces grands faiseurs de protestations,
Ces affables donneurs d'embrassades frivoles,
Ces obligeants diseurs d'inutiles paroles,
Qui de civilités, avec tous, font combat,
Et traitent du même air, l'honnête homme, et le fat.
Quel avantage a-t-on qu'un homme vous caresse,
Vous jure amitié, foi, zèle, estime, tendresse,
Et vous fasse de vous, un éloge éclatant,
Lorsque au premier faquin, il court en faire autant ?
Non, non, il n'est point d'âme un peu bien située,
Qui veuille d'une estime, ainsi, prostituée ;
Et la plus glorieuse a des régals peu chers,
Dès qu'on voit qu'on nous mêle avec tout l'univers :
Sur quelque préférence, une estime se fonde,
Et c'est n'estimer rien, qu'estimer tout le monde.
Puisque vous y donnez, dans ces vices du temps,
Morbleu, vous n'êtes pas pour être de mes gens ;
Je refuse d'un cœur la vaste complaisance,
Qui ne fait de mérite aucune différence :
Je veux qu'on me distingue, et pour le trancher net,
L'ami du genre humain n'est point du tout mon fait.
PHILINTE
Mais quand on est du monde, il faut bien que l'on rende
Quelques dehors civils, que l'usage demande.
ALCESTE
Non, vous dis-je, on devrait châtier, sans pitié,
Ce commerce honteux de semblants d'amitié.

Le MISANTHROPE  (Molière)   Acte Un, scène Un



DOCUMENT TROIS.

Ce qui caractérise le gentleman, c’est la réserve. Comme l’élégance, la politesse doit passer inaperçue. Déjà au XVIIIème siècle, le moraliste Addison soulignait : « La politesse est le plus manifeste quand l’œil ordinaire la distingue le moins ». Cette réserve prend sa source dans une grande maîtrise de soi (self-control). Le gentleman doit donner de lui l’image d’un homme équilibré et tolérant envers autrui. Son équilibre lui permet d’affronter les difficultés et les infortunes sans se donner en spectacle. Il parait donc un peu gourmé, guindé, distant. Découvre-t-on que sous ce masque quelque souffrance ? On l’accusera d’insensibilité, voire d’hypocrisie car l’une des maximes qu’on lui a inculquées et qui lui dicte sa conduite est « Ne vous livrez jamais »
Politesse fondée sur le repli sur soi, sur l’égoïsme, semble-t-il. Pas uniquement. Il y a en effet une autre maxime, corollaire de la première : « Ne blessez jamais personne ». Le gentleman est en effet tolérant, respectant autrui autant qu’il entend être respecté, héritage du protestantisme, sans doute.
Maitrise de soi et tolérance engendrent le code du fair-play. Il faut jouer franc-jeu, ne pas mentir, être loyal envers son adversaire, en cas de désaccord s’en remettre à un arbitre. En un mot, dans la vie, on se comportera comme sur un terrain de cricket. Ce n’est pas sans raison que « cela ne se fait pas » se dit « ce n’est pas du cricket » (it is not cricket).
Etre tolérant entraine un certain effacement de la personnalité. On aura l’impression, chez le gentleman, que la timidité se substitue à la politesse. Pauvre gentleman ! Lui, si plein de bonnes intentions, qu’il est mal compris ! Pour l’observateur, sa tolérance, forme supérieure de politesse, passe facilement pour une condescendance plus ou moins méprisante, de même que nous avons nu la maîtrise de soi passer pour l’hypocrisie.
«Jean Dulck «  Du gentleman au hooligan », La politesse : vertu des apparences, Paris (1991) : Autrement.

Document quatre :
« Par une froide journée d'hiver, un troupeau de porcs-épics s'était mis en groupe serré pour se garantir mutuellement contre la gelée par leur propre chaleur. Mais tout aussitôt ils ressentirent les atteintes de leurs piquants, ce qui les fit s'éloigner les uns des autres. Quand le besoin de se chauffer les eut rapprochés de nouveau, le même inconvénient se renouvela, de façon qu'ils étaient ballottés de çà et de là entre les deux souffrances, jusqu'à ce qu'ils eussent fini par trouver une distance moyenne qui leur rendit la situation supportable. Ainsi, le besoin de société, né du vide et de la monotonie de leur propre intérieur, pousse les hommes les uns vers les autres; mais leurs nombreuses qualités repoussantes et leurs insupportables défauts les dispersent de nouveau. La distance moyenne qu'ils finissent par découvrir et à laquelle la vie en commun devient possible, c'est la politesse et les belles manières. En Angleterre, on crie à celui qui ne se tient pas à distance : Keep your distance! - Par ce moyen, le besoin de chauffage mutuel n'est, à la vérité, satisfait qu'à moitié, mais en revanche on ne ressent pas la blessure des piquants. - Celui-là cependant qui possède beaucoup de calorique propre préfère rester en dehors de la société pour n'éprouver ni ne causer de peine. »
Arthur SCHOPENHAUER, Parerga et Paralipomena (1851)


 

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